Divertissement

Quand Jean Perrault en Speedo rime avec histoire régionale

PAR:
Philip Bastarache

Rien de tel qu’une journée de congé en plein milieu de semaine pour susciter en moi l’interrogation suivante : Que faire aujourd’hui? Comme tout le monde est généralement en train de gagner sa vie, je me résous souvent à faire mes activités seul, mais ce n’est généralement pas compliqué à planifier, étant un gars de plein air, je m’accommode facilement. Je me retrouve par contre dans l’embarras lorsque le temps à l’extérieur ne m’apparaît guère accueillant. C’est le cas aujourd’hui. Qu’à cela ne tienne! Je vais être créatif.

J’ai donc décidé de me rendre au 275 Dufferin, dans ce chic bâtiment de style Second Empire abritant la Société d’Histoire de Sherbrooke. J’arrive cependant avec un préjugé défavorable; ayant épluché les livres de Jean-Pierre Kesteman comme s’il s’agissait de la trilogie du Seigneur des anneaux, qu’y a-t-il de si intéressant à relater à propos de l’histoire régionale que je ne connaisse déjà? Je me suis quand même mouillé les pieds sous la pluie en venant jusqu’ici. C’est mieux de ne pas avoir été en vain!

J’aboutis au guichet d’entrée du musée. À ma droite, se trouve une maquette géante représentant notre très chère cité en 1881. Celle-ci est solidement ancrée au mur à la verticale et est protégée des mains baladeuses par une vitre, comme si l’œuvre était là pour la postérité, donnant un intéressant avant-goût de ce qu’on allait découvrir lors de la visite. La gentille dame au guichet me suggère de commencer le circuit par l’exposition temporaire judicieusement intitulée « Du sport à loisir » au premier étage, afin d’éviter de côtoyer la marmaille – un groupe scolaire – qui manifeste bruyamment sa présence à l’exposition permanente d’à côté. Ne voulant pas subir les dommages collatéraux causés par une horde d’enfants en délire apparemment surexcitée par l’histoire de « Sherbrooke, Terre d’accueil » , je suis sagement son conseil.

D’entrée de jeu, je me confesse. Je dis aimer le plein air, mais je suis loin d’être un fan de sport et je n’y connais absolument rien à ceux-ci. Vous me diriez que les Red Sox affrontent le Canadien ce soir et je serais presque dupe. Cela montre mon désintérêt profond envers la lutte professionnelle. Heureusement, je suis un éternel curieux.

Une fois dans la pièce, j’ai dans mon champ visuel la perception subliminale d’un écran géant sur lequel défile l’histoire sportive de Sherbrooke. Étant de la génération « télévision », je suis cet élan naturel qui m’appelle et je m’installe devant cet Eldorado d’images historiques. On y voit défiler au moyen d’extraits vidéos les principaux événements sportifs ayant eu lieu à Sherbrooke depuis le championnat de ski nautique auquel notre vaillant Monsieur Sherbrooke (Jean Perrault) a participé en 1967, jusqu’aux Mondiaux Jeunesse de 2003.

Je me laisse surprendre par la vue de ces images en noir et blanc illustrant le sous-développement autour du lac des Nations et la marque nettement plus industrielle du secteur en 1967. Je vois ces sportifs aguerris et leur entourage accoutrés de vêtements me donnant l’impression de regarder un épisode de Skippy le kangourou (ma référence culturelle par rapport à cette date). Suivent ensuite les compétitions de soccer et de handball des Jeux olympiques montréalais de 1976, auquels le Palais des sports a servi de plateau sportif. Moment de fierté patriotique à peine dissimulé dans mon cas.

Le plus émouvant fut sans doute les images des jeux du Québec de 1995 avec ce gars et ses cheveux bleachés ainsi que l’autre nerd avec sa coupe champignon, me rappelant l’époque ou je jouais encore avec mes camions Tonka. C’était une période ou écouter du Nirvana dans son Walkman reçu en cadeau à Noël était cool.
Suite de la visite. J’apprends que la cross était jadis le sport de prédilection des Sherbrookois, jusqu’à son remplacement par le baseball. Pour étayer certains faits historiques, on retrouve quelques artefacts, tel cet étrange vélo avec sa roue avant géante, grande comme près d’une fois et demie ma grand-mère.

Parlant de bicycle, on met à ma disposition un vélo stationnaire dont l’utilisation active une autre vidéo illustrant certains lieux et événements à caractères sportifs à Sherbrooke. C’est juste génial comme concept. Je songe désormais à installer un système semblable dans mon salon. Ça pourrait faire un beau cadeau de Noël pour ma blonde, elle qui désire faire du sport tout en regardant la télé.

Une fois ma surprenante visite terminée, je me dirige vers l’exposition permanente, là où, espérons-le, la marmaille a désertée. J’arrive dans la pièce. Malheur. Ça court partout, ça crie, mais la responsable ramène rapidement à l’ordre sa troupe et commence à animer un atelier sur ce que les jeunes ont appris au fil de leur visite. Elle pose des questions orales auxquelles ceux-ci doivent répondre. Je suis mort de rire. Même pas besoin d’écouter les nombreuses pistes audio et de lire les tableaux mis à notre disposition, j’entends tout ce que les petits Einstein (y’en a toujours deux ou trois plus brillants que les autres) ont assimilé. J’apprends notamment des faits étonnants de la vie au 19e siècle à Sherbrooke. Par exemple, saviez-vous qu’une femme de ménage travaillant 6 jours par semaine pour de riches bourgeois ne gagnait que 4$ par mois et que de cet argent, 2$ étaient retranchés en échange de denrées (soyez sans crainte, j’ai vérifié l’exactitude de cette information par la suite)?

Les jeunes sont partis. Je poursuis ma visite et tombe sur une autre télévision, mais interactive ce coup-là. L’histoire de la ville est divisée en 4 grandes périodes et on peut s’imprégner de chacune d’elles grâce à des images d’époque que l’on sélectionne via le survol d’un plan de la ville en 3D digne de Google Earth. C’est de loin l’activité qui m’a le plus marquée. On peut voir des photos inexistantes sur Internet de tous les arrondissements. En lisant les descriptifs, on s’imagine comment se passait la vie de tous les jours pour les gens de cette époque au gré des événements marquants… et des catastrophes, telles les inondations au centro.

Plusieurs autres tableaux intéressants nous montrent comment la ville s’est construite au fil du temps, depuis l’arrivée des premiers colons américains, jusqu’aux immigrants actuels, en passant par l’arrivée des Britanniques, des Canadiens-français, des Irlandais, des Juifs et même des Syriens. Il y a bien quelques petites fioritures plutôt rébarbatives à mon goût, puisqu’elles sont destinées à un public de jeunes Einstein, mais dans l’ensemble, l’expérience est complète et nous explique de façon parfois ludique l’histoire de la ville sans avoir à se farcir les quatre tomes de l’Histoire de Sherbrooke de M. Kesteman.

Finalement, ce fut donc un bel après-midi. Le lieu est parfait pour une sortie culturelle en famille, mais il est tout aussi bien désigné pour de simples curieux en manque d’histoire régionale. S’il faut reconnaître qu’on n’est pas dans un grand musée métropolitain, le dynamisme des gens ayant créé ces expositions est indéniable et surprenant. Découvertes et plaisirs garantis. Pour les intéressés, il est d’ailleurs possible de s’inscrire au Service d’archives. Quant à l’exposition temporaire, elle est présentée jusqu’au 6 novembre, alors dépêchez-vous! Vous essaierez de trouver Jean Perrault en Speedo. Moi, je ne l’ai pas vu!

Société d’Histoire de Sherbrooke
275, rue Dufferin
Sherbrooke, (Québec)
Téléphone : (819) 821-5406
Site internet : www.histoiresherbrooke.org