Chronique

Kevin, du restaurant Baumann

PAR:
Julie Myre-Bisaillon

Le centro est rempli de petits endroits. Qu’on fréquente ou non. Mais il est surtout rempli de personnages pour qui on fréquente ou non ces endroits. C’est ce que je crois. Si l’habit ne fait pas le moine, les gens font la place.

Kevin.

Kevin est toujours un prénom qui nous rappelle quelqu’un de spécial dans notre enfance. Quelqu’un qui nous lançait probablement des roches dans la cour d’école primaire. Qui aurait probablement porté le bonnet d’âne dans l’ancien temps. Je me demande s’il a étudié. Ce qu’il a étudié. Pis jusqu’à quand. C’est plein de préjugés mon affaire. C’était.

Au centro, c’est le Barbe rousse trash moderne de la Well Sud.

Trop gaillard je trouve pour qu’on lui colle l’étiquette de hipster. Même s’il a les shoes qui vont avec pis le grand t-shirt couleur peau ou bien trop délavé pour avoir l’air de quelque chose qui cache presque son fond de culotte trop bas.

Au centro, c’est le Viking des temps modernes. Roux pour vrai.

Kevin.

On l’aurait sûrement croisé aux arcades de la Well s’il était un peu plus âgé, avec ces pleins de préjugés sur son avenir. Mais c’est au Baumann qu’on le croise, qu’on le rencontre, qu’on apprend, ou désapprend. On entre dans son antre, nouvelle adresse sied Well-Sud depuis deux ans, quasi huppée, mais non. Une musique nous rappelle nos années au Graff. Ça fait du bien. Pis on est happé par le décalage entre ce qu’on voit dans les assiettes pis Kevin. On dirait que ça ne marche pas. Dans nos têtes trop habituées à autre chose. Lui pis son acolyte, Mathieu, sont gros, sont grands, y’ont des grosses barbes. Y fitent pas dans l’décor. Mais pourtant. C’est là qu’il faut s’ouvrir, apprendre ou désapprendre.

Kevin offre de quoi te rafraîchir le gosier, les papilles pis la vie. J’aime ça. C’est rafraîchissant. Oui, ça fait du bien la différence. Pis l’intelligence. J’aime son humour louche. Sa façon d’ironiser sur le cash qu’on peut dépenser à sa table ou le vin fait de raisins pillés pieds nus nature qu’il nous propose. Il sait toujours de quoi il parle. Il est là pour toi.

Si le Restaurant Baumann a d’abord été un coup de cœur pour ce que Suzie nous y prépare, c’est plus qu’un truc dans l’assiette qui m’a conquise. On y mange bien, certes, très bien même. On y boit de très bonnes choses. Oui. On y va en jeans ou en robe du soir. On s’en fout. C’est l’expérience complète qui vaut le détour. Le détour au sens littéral et au sens figuré. Parce que la Well-Sud est sens unique une longue partie de l’année (à défaut d’être piétonne) et qu’il faut bel et bien faire un détour par ces petites rues louches, comme l’humour de Kevin quand on arrive du mauvais bord.

On y va pour tout ça. Pis pour Kevin.