Urbanisme et développement

Pont des Grandes-Fourches et centre-ville 2.0

PAR:
Philip Bastarache

C’était il y a très longtemps, en l’an 50 avant Auguste (le restaurant), dans ce centre-ville qui appartenait à cette génération qui écoutait du Elvis comme on écoute aujourd’hui du Arcade Fire. Les baby-boomers s’en souviennent sans doute; le carrefour urbain King/Wellington et l’entrée du pont Gilbert Hyatt, sur la rue Dufferin, devaient être aussi énervants à traverser en voiture que les environs de l’intersection Bourque/Léger de nos jours. Le centre-ville était, à l’époque, le nœud routier le plus dense de Sherbrooke. Et pour cause, c’était avant la venue de la demi-ceinture autoroutière entourant notre ville aujourd’hui. Les rues Wellington et King étaient les seules routes nationales existantes pour joindre les États-Unis, Montréal, la Beauce et Québec. Le centre-ville vibrait alors au rythme de ces voitures qui se prenaient pour des fusées avec leurs ailerons « futuristes », singularité typique de cette époque.

Les autorités ont alors eu une idée à la hauteur de l’urbanisme du tout-à-l’auto qui régnait en ces temps anciens : ils ont construit le monstre de béton armé aujourd’hui en décrépitude qui enjambe la rivière Magog. On l’appela majestueusement le pont des Grandes-Fourches. C’était en 1964. L’œuvre arrive à présent à la fin de sa vie utile, le MTQ a annoncé en juin 2011 son remplacement imminent. On peut dire que l’ensemble est un peu notre échangeur Turcot local.

Que diriez-vous si un maire courageux annonçait que l’on détruisait enfin cette grossièreté de l’urbanisme de Cro-Magnon? La circulation sur cette artère a considérablement diminué depuis la venue des autoroutes (environ 9 500 véhicules par jour, dont 1000 poids lourds). Avec ces dernières, et ce sera davantage le cas une fois le prolongement de la 410 complété, on a rendu complètement superflu le pont des Grandes-Fourches. Presque aucune circulation de transit ne l’emprunte désormais.

Imaginez un splendide parc urbain près du lieu de fondation de la ville, rythmé au son apaisant du chant des oiseaux et de l’eau qui coule à la place de celui du moteur de la vieille Cadillac Fleetwood 1996 de mononc’ Roger. On pourrait même en profiter pour récupérer l’espace libéré de l’emprise de la rue des Grandes-Fourches se trouvant de part et d’autre de la rivière Magog pour construire des habitations en dehors des zones inondables. Il y a quelques années, dans le cadre d’un projet de fin de bac, un étudiant avait même proposé l’idée de construite des logements « eco-friendly » sur la berge nord de la Magog. Selon son plan, le nouveau quartier, composé d’immeubles de 6 étages, aurait pu loger 4000 habitants, soit plus du double de toute la population actuelle du centro! Une idée très à la mode, il va sans dire.

Une telle revitalisation du secteur aurait de quoi donner un sérieux coup de pouce au centre-ville n’est-ce pas? De nouveaux résidents, de nouveaux commerces de proximité et une belle oasis de verdure pour accommoder les gens désirant s’approprier la vie urbaine du centro. Je serais le premier à vouloir y vivre! Et vous?