Tourisme Urbain

Tag ton Centro!

PAR:
Philip Bastarache

Fait indéniable : souvent, les ruelles où prolifèrent les tags et graffitis agissent sur les gens comme du « Off! » sur les moustiques; ils les fuient! C’est comme si leur existence était synonyme de l’effrayante présence de gang de rues ou de petits bums du genre à mettre en beau maudit les Yolande Ouellet de ce monde. Il est vrai que l’acte est illégal à la base et le nettoyage des surfaces vandalisées occasionne des frais indésirables. Il faut par contre reconnaître que beaucoup d’auteurs de ces créations s’avèrent être des artistes talentueux et que comme tout artiste, ils veulent être vus! Si Berlin a pu tourner la chose à son avantage en devenant la Mecque de l’art urbain, Sherbrooke n’est pas en reste et c’est au Centro que ça commence!

Depuis trois ans, on a qu’à sillonner les rues et ruelles de la ville pour réaliser que ce qui était à la base un crime, peut devenir rapidement une source d’émerveillement. Notons le passage sous le pont Montcalm, ou on y trouve une œuvre permanente de l’artiste Nicolas Lareau. Pensons au pont des Grandes-Fourche, prit d’assaut l’an passé lors de la 3e édition du jam graffitis Amalgam. Mentionnons les nombreux trésors cachés, comme l’œuvre de l’artiste portugais Pantonio à la Place de la Cité. N’oublions pas non plus la fresque d’Estrie-Aide, peinte au mur donnant sur Wellington Sud, réalisée par Olivier Trottier et Hugo Deps. C’est aussi sans compter les surfaces ou sont permises les œuvres temporaires comme on en retrouve au parc Belvédère ou sur le talus sud du pont Jacques-Cartier. À cela, même les pelles des chenilles à trottoir de la ville ont eu droit à un traitement de beauté!

Tous ces bons coups et bien d’autres ont été soutenus par le comité Tag et Graffiti, composé d’élus, de représentants des services municipaux, d’organismes à but non lucratif et de citoyens dont l’objectif est de voir à la cohabitation harmonieuse de ces jeunes artistes avec le reste du milieu sherbrookois, afin d’endiguer le type de vandalisme relié à cette pratique.

Selon Olivier et Émilie Trottier, copropriétaires de la Boutik MTN sur Wellington-Sud, cette forme d’art urbain est en progression à Sherbrooke. « Quand tu te promènes dans les rues […] tu te rends compte qu’il y a de plus en plus de jeunes parce qu’il y a de plus en plus de signatures différentes et c’est ce qui nous a poussés à ouvrir la boutique. […] On essaie d’inciter les jeunes à aller plus vers les murales plutôt que de faire du vandalisme » indique Olivier, lui-même membre du comité. Selon Émilie, « souvent, les parents vont pousser les jeunes qui s’en vont vers la danse, vers la musique… Mais quand il y en a un qui te dit  »moi c’est les graffitis qui m’intéressent  », il y a toujours le background vandalisme, criminel. Mais ce que je trouve intéressant, c’est qu’avec le temps des fêtes, il y a eu beaucoup de parents qui venaient à la boutique avec leur jeune, donc ça change ».

Les deux jeunes frangins ne manquent pas non plus de mentionner toutes les initiatives issues du milieu, dont les divers projets des Maisons de jeunes ou pour certains ados, « c’est la première fois qu’ils tiennent une canette », affirme Olivier. Celui-ci nous dévoile au passage qu’il y aurait peut-être même un projet à venir sur le mur du restaurant O Chevreuil qui n’en finit plus d’être tagué année après année. À vrai dire, il semble que les affaires soient bonnes dans ce domaine à Sherbrooke, car un déménagement de la boutique à quelques pas de leur emplacement actuel est même prévu dans le but d’accroître leur offre de produits.

Les secteurs où les artistes peuvent graffiter en toute légalité sont soigneusement choisis par le comité selon des critères de sécurité et on peut consulter la carte des murs fournie à cet effet sur le site web de la ville. Est-ce que ce genre d’encadrement suffira à éliminer le problème lié au vandalisme? Certainement pas tout seul, mais il offre aux jeunes l’occasion de s’exprimer, d’être valorisé dans ce qu’ils savent faire, mais dans le respect de votre clôture et de vos murs de briques. Les graffitis situés sur des biens publics en dehors des zones indiquées sont systématiquement effacés par la Ville. Pour ce qui est des méfaits dans votre cour, tel que mentionné sur la page web du comité, comme propriétaire, vous êtes responsable de faire disparaître les tags et les graffitis illégaux de votre propriété. Le nettoyage rapide, après le passage des policiers et de préférence dans les 24 heures suivant l’apparition des graffitis, constitue un facteur essentiel pour contrer la récidive puisque les graffiteurs auront ainsi pris un risque inutile. Un graffiteur illégal qui réalise un graffiti cherche avant tout à se faire remarquer.

Beaucoup de projets sont à surveiller en 2015. Les artistes pourront soumettre leur idée auprès du service des loisirs de leurs arrondissements, du comité Tag et graffitis lui-même ou peuvent se renseigner à la Maison des jeunes de leur quartier. On peut aussi visiter la page web du comité et y trouver une panoplie d’informations allant de la meilleure façon d’enlever les tags sur différents types de surfaces, jusqu’aux événements organisés dans le cadre de fêtes populaires.

Entre deux séances de lèche-vitrine, il m’arrive désormais de m’offrir une séance de lèche-ruelle. Pour découvrir (ou redécouvrir) une œuvre inédite du Centro!

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