Urbanisme et développement

À quand le retour d’une institution financière au Centro?

PAR:
Philip Bastarache

Le progrès étant ainsi fait; à l’exception notable de la Banque CIBC, aucune succursale bancaire n’a été rescapée suite aux grandes réorganisations des dernières années ayant éliminés du Centro les services financiers. Désormais, la seule façon de retirer de l’argent afin de pouvoir consommer dans les commerces où il n’y a pas le paiement direct est d’user d’un de ces rares et onéreux guichets ATM.

Des effets tangibles

À titre d’exemple, puisque mon coiffeur et ma boulangerie de quartier n’acceptent que l’argent comptant, je fouille le fond de mes poches avant chaque visite, espérant trouver la somme nécessaire afin de m’éviter un fâcheux détour d’un kilomètre pour faire un retrait. Ce n’est pas la fin du monde me direz-vous, mais alors que j’essaie de privilégier l’usage de mes pieds plutôt que celui de ma voiture, c’est un désagrément dont j’aurais aimé me passer, surtout quand je me dis que ça me prend dorénavant 35 minutes aller déposer un simple chèque!

C’est tout de même particulier comme situation. Après tout, le Centro est l’un des secteurs les plus densément peuplés de la ville, où l’on retrouve une des plus grandes concentrations de fonctions institutionnelles et commerciales du territoire, en plus d’être destiné à devenir l’épicentre touristique de la ville. Il est d’autant plus regrettable qu’une coopérative comme Desjardins n’ait pas cru bon d’y garder au moins une succursale. C’est un recul immense non seulement pour les services de proximité, mais aussi pour l’attractivité du centre-ville auprès des citoyens et des entreprises.

Quand on se compare, on se désole

Si je conçois que les changements d’habitudes chez la clientèle poussent les institutions financières à regrouper leurs activités, il m’apparaît qu’elles ne se sont pas cassé la tête bien longtemps afin de trouver des solutions garantissant l’offre de services pour les gens du centre-ville, dont beaucoup n’ont pas de voiture. Ironiquement, nous sommes la seule agglomération de plus de 100 000 habitants au Québec à ne pas avoir de caisse Desjardins, ou de Banque Nationale dans son centre-ville. N’est-ce pas ironique quand on considère que ces deux entités sont deux des plus importantes institutions financières à avoir leur siège au Québec?

Par comparaison, au centre-ville de Trois-Rivières, on retrouve autour de la rue des Forges (la « Well » locale) des succursales de Desjardins, de la Banque Nationale, de la Banque Laurentienne, de la Banque CIBC et de la société d’État BDC. Comment ne pas être jaloux?!

Quelles pourraient être les causes?

Selon le schéma d’aménagement approuvé par le conseil municipal en novembre 2014, « il est constaté, depuis quelques décennies, que la localisation des immeubles administratifs des gouvernements supérieurs ainsi que les immeubles à bureaux de plusieurs entreprises privées du domaine des services professionnels et financiers se localisent à l’extérieur du centre-ville, principalement sur la rue King Ouest, entre l’A-410 et le boul. Jacques-Cartier. Cette tendance va à l’encontre de la vocation habituelle d’un centre-ville d’une ville comme Sherbrooke, qui joue le rôle d’une capitale régionale, où se localisent habituellement les pouvoirs publics et administratifs et devient un lieu recherché socialement, économiquement, culturellement et le plus attractif au niveau touristique.»

L’ironie dans ce bilan, c’est que la Ville avoue par la même occasion son échec dans ses tentatives des dernières décennies de créer ce milieu urbain fort digne d’une « capitale » régionale. Selon le rapport du diagnostic du centre-ville publié en 2012, une des causes serait un manque d’articulation des projets réalisés autour d’une vision globale. On avance d’un pas et on recule de deux!

Que font nos élus?

Fort de ce constat, la Ville a fait de belles promesses dernièrement dont certaines devraient être scellées dans le règlement de zonage et de lotissement qui sera soumis aux citoyens lors de consultations à l’automne prochain. Mentionnons par exemple la réglementation visant à concentrer les futurs bureaux de plus de 750 mètres carrés au centre-ville, ou la volonté de doubler la population de celui-ci d’ici 20 ans. Ainsi, le règlement de zonage est un enjeu de premier plan pour la revitalisation du quartier. Il faudra par contre que les élus fassent preuve de fermeté et de constance dans leurs engagements. Ce sera pour eux une chose difficile face aux puissants lobbys du monde immobilier dont l’empire s’étend à l’extérieur du Centro. Trop souvent par le passé, les actions cohérentes ont été sacrifiées au prix de querelles de clocher et des intérêts des uns et des autres.

En somme, les institutions financières ne font pas dans la charité et continueront de s’éloigner du Centro tant qu’elles n’y verront pas un climat propice les incitant à revenir. La balle est dans le camp de la Ville depuis 50 ans. À l’automne, il faudra que la Ville profite de la mise à jour du règlement de zonage et de lotissement pour agir concrètement.