Urbanisme et développement

L’avenir de la rue Wellington Sud…

PAR:
Philip Bastarache

La semaine dernière fut marquée par une étape charnière dans la revitalisation du centre-ville. Difficile de ne pas remarquer le trou honteusement spectaculaire laissé par la destruction des immeubles situés entre le 35 et le 61 Wellington-Sud. Quel visage voulons-nous donner à cette rue à présent?

Si certains la considèrent comme la petite sœur désinvolte de la rue Wellington Nord de par la présence d’un nightlife qui nous a tous marqués à un moment de notre vie, il est difficile de ne pas reconnaître que pour beaucoup, la « Well » Sud rend plutôt l’image d’une rue non sécuritaire où il vaut mieux ne pas traîner. C’est tout juste si elle n’est pas perçue comme un quartier coupe-gorge; probablement une référence à l’époque pas si lointaine où les Hells y faisaient des affaires d’or et où les maisons de débauche pullulaient comme des boutons sur le visage d’un jouvenceau. Alors qu’on a aujourd’hui un trou béant dans lequel plusieurs aimeraient y planter quelques idées dans l’espoir de voir pousser un projet concret, il faut se poser la question à savoir comment on peut profiter de cette occasion pour donner à la Wellington-Sud le renouveau dont elle a besoin.

Option 1 : le parc

Une rumeur a raisonné jusqu’à mes oreilles cette semaine. Selon elle, on aurait officiellement décidé qu’il y aurait un parc à cet endroit. Une idée qui a de quoi répondre aux idéaux des plus romantiques d’entre nous! Sauf que pensons-y : est-ce qu’un parc serait réellement la solution pour un secteur dévitalisé où règne l’insécurité? J’imagine déjà ce fameux parc d’ici 5 ans, en plein après-midi, complètement vide en raison de l’absence aux alentours immédiats de bâtiments susceptibles de pouvoir l’alimenter par une quelconque activité urbaine autre que celle des bars, une fois le soir tombé. J’imagine déjà les clochards y trainer au petit matin, au travers des bouteilles d’alcool vides et des mégots de cigarette consommés par les fêtards du vendredi soir. En définitive, je pense que personne ne veut d’une solution qui donnerait à la Wellington des airs de square Viger, n’est-ce pas!?

Option 2 : des commerces, des bureaux…

Dans les années 70, l’idée à la mode était de transformer les centres-villes en centres commerciaux à ciel ouvert. On traitait donc l’espace public comme s’il s’agissait d’un espace privé dédié à la consommation de biens et de services. On a construit des marquises, on a démoli des taudis pour faire place à des bureaux gouvernementaux tout neufs au-dessus de commerces. Dans certaines villes, on a même piétonnisé presque entièrement les centres-villes pour qu’ils ressemblent le plus possible à un centre d’achat. Aujourd’hui par contre, depuis qu’on a réalisé le peu de succès que remportaient ces initiatives, on s’est dit qu’une ville, c’était pas mal plus complexe qu’un centre d’achat. Lors de la démolition des marquises par exemple, le taux de vacance oscillait autour de 30 % au centre-ville de Sherbrooke! Bref, il faut pousser l’idée un peu plus loin.

Option 3 : un projet intégré

Depuis quelques années, on a donc réalisé qu’un centre-ville se définissait comme un organisme aux multiples facettes à considérer. On a réalisé qu’un parc, c’est bien beau, mais que ça prend de la vie autour pour l’animer.

On a aussi réalisé depuis que pour diminuer le sentiment d’insécurité affligeant une rue, une partie de la solution passait par la diversification des fonctions urbaines au mètre cube, ainsi que par un minimum de densité. En somme, plus il y a de gens dont les activités s’entrecroisent, se complètent et s’étirent tout au long de la journée, moins c’est intéressant pour un malfaiteur de commettre un crime, puisqu’il sait qu’à chaque instant, il s’expose à des dizaines de paires d’yeux qui l’épient. Et comme la diversification des fonctions urbaines inclut aussi le résidentiel et le divertissement, le phénomène demeure vrai en dehors des périodes de 9h à 17h où butinent habituellement les travailleurs. En effet, quelqu’un qui choisit délibérément de poser durablement ses pénates dans un quartier deviendra implicitement, dans son propre intérêt, un protecteur du voisinage et ce, ne serait-ce que par sa faculté d’avoir des yeux pour voir ce qu’il s’y passe et des oreilles pour écouter.

Ainsi donc, on a commencé à construire des édifices abritant un amalgame de fonctions urbaines. On a développé le zonage à la verticale, décrétant ainsi qu’il y aurait par exemple des commerces au rez-de-chaussée, des bureaux aux premiers étages et des logements de tout acabit aux derniers étages. L’objectif étant que la rue sur laquelle se trouve le bâtiment soit toujours animée, intéressante… et sécuritaire. Ces constructions sont donc faites pour être en interrelation constante avec la rue. Ils intègrent et bonifient leur environnement au lieu de se contenter d’y exister.

Le plan directeur

À la Ville de Sherbrooke, on a adopté cette année un plan directeur dont l’objectif vise, entre autres choses, à s’assurer que l’option 3 devienne une réalité au centre-ville. On y reconnaît que la rue Wellington Sud, de par la présence de bars, de restos, de salles de spectacle et du CASJB, a déjà une saveur particulière. Si revitaliser signifie construire à partir de l’existant, il faut garder à l’esprit que ce doit être fait sans ostraciser les populations défavorisées qui y vivent déjà. Par ailleurs, le plan propose pour la Wellington Sud « une formule de développement résidentiel visant un marché pouvant négocier la diversité sociale du quartier ». On peut penser par exemple à des résidences d’artistes, ou de personnes appréciant simplement les caractéristiques de la vie urbaine pour ce qu’elle est. Quant à la section précise de la Wellington Sud qui nous intéresse ici, le plan se fait plus explicite, spécifiant « qu’il s’agit de confirmer une vocation commerciale de services au rez-de-chaussée ou d’ateliers artisanaux, de bureaux axés sur les services communautaires ou d’économie sociale au 2e étage et d’habitation sur les 2 ou 3 étages supérieurs ».

L’heure des choix

Aussitôt que la Ville possédera ces terrains, elle devra saisir cette chance pour ne pas se contenter d’un projet banal suggéré par le premier entrepreneur venu. Elle doit considérer les propositions non pas sous la loupe d’un investisseur privé visant un retour sur investissement à court terme, mais de celle d’une organisation municipale qui se doit de respecter son engagement de faire du développement intelligent, en cohérence avec le plan qu’elle a entériné. De toute façon, bien faire les choses lui permettra de faire des gains à long terme avec l’accroissement de la valeur foncière du secteur. Il est donc temps d’être sélectif et de tout mettre en œuvre pour attirer ce qu’il manque cruellement au centre-ville, comme une pharmacie.

Plus que jamais, la Ville a donc un rôle de premier plan à jouer dans la revitalisation de la rue Wellington Sud. Elle devra faire les bons choix; il en va du salut de notre rue. Il appartient par contre à nous, citoyens, de nous assurer que la Ville fasse ses devoirs convenablement dans ce dossier.

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