Urbanisme et développement

Qui est le véritable fondateur de Sherbrooke?

PAR:
Philip Bastarache

Ça semble être le consensus pour tout le monde à Sherbrooke; notre Jebediah Springfield local n’est nul autre que Gilbert Hyatt, l’homme qui, selon l’historien Jean-Pierre Kesteman dans son ouvrage « Histoire de Sherbrooke », aurait construit un des trois premiers moulins de la ville et un barrage au confluent des rivières Magog et Saint-François, probablement vers 1802.

Ce que la culture populaire ne nous dit pas, c’est qu’Hyatt n’est pas du tout le premier individu à avoir entrepris l’aménagement du secteur. Il n’y aurait même jamais habité. Tout au plus, il aurait été le propriétaire terrien amorçant les débuts de l’ère industrielle à Sherbrooke. Avant lui, il y avait un certain Jean-Baptiste Nolain, dont les connaissances des historiens à son sujet semblent relativement morcelées et difficiles à cerner.

Nolain était qualifié par son chef de « vaillant, sobre et bon cultivateur ». Aussi bien dire d’un pauvre besogneux… Lors d’un recensement mené en 1799, Nolain était le seul parmi les 40 adultes mâles mentionnés par Gilbert Hyatt à n’être cité ni comme membre officiel de l’association, ni comme habitant de fait dans la région. Selon l’historien Jean-Pierre Kesteman, « ces renseignements portent à croire que Nolain fut plutôt un journalier, un domestique ou un engagé au service de Gilbert Hyatt ». Il était célibataire et serait devenu un de ses associés par substitut à Philip Dillenback, un homme qui n’aurait soi-disant jamais mis les pieds dans la région de Sherbrooke.

Selon ce qu’attestait Hyatt lors d’un recensement qu’il a dressé deux ans plus tard, Nolain aurait percé une clairière dans le lot 18 du rang 7, approximativement où se trouve aujourd’hui l’Hôtel Wellington, vers 1799. Lorsque le Comité des Terres à Québec, chargé d’accorder des concessions à des groupes d’associés, distribua les lots qu’Hyatt et ses acolytes avaient commencé à occuper espérant pouvoir en hériter un jour, rien ne fut accordé à Nolain! Comme Philip Dillenback n’avait jamais mis les pieds dans la région, le comité jugea qu’il était sans mérite et de ce fait, aucune preuve n’avait par ailleurs été apportée d’une cession des droits de Dillenback à Nolain. En d’autres mots, il s’est fait arnaqué. On n’a plus jamais entendu parler de lui.

Gilbert Hyatt n’eut aucun scrupule ensuite à revendiquer les terres défrichées par Nolain pour lui-même, alors qu’il habitait à ce moment dans ce qui était le sud du canton d’Ascot. Il y aurait fait construire son fameux moulin et son barrage, en collaboration avec Jonathan Ball qui construisit aussi un moulin sur l’autre rive de la Magog en 1802. Durant cette période, les Terrill défrichaient leurs terres là où se trouve actuellement le Cégep, alors que la famille Moe faisait la même chose à la limite entre le territoire actuel des arrondissements du Mont-Bellevue et de Lennoxville. C’est ainsi que prit naissance notre ville, dont le cœur était bien entendu notre Centro.

Centre-ville Sherbrooke 2