Réouverture des commerces : les préoccupations et les solutions des commerçants
Depuis le début de la crise, des cellules d’entraide sont offertes gratuitement par Pro-Gestion Estrie et Commerce Sherbrooke, afin d’aider les commerçants à traverser cette tempête extraordinaire et à mieux se préparer à la réouverture des commerces. La semaine dernière, la cellule d’entraide intitulée « Réouverture : Comment s’y prendre » a permis à des entrepreneurs qui doivent encore jongler avec la fermeture temporaire de leur commerce de s’exprimer sur leurs inquiétudes et de partager tout de même quelques pistes de solutions.
La fermeture des commerces en raison de la crise de la COVID-19 a fait mal financièrement et continue à faire mal à de nombreux commerçants. Certains ont pu reprendre du service la semaine dernière, ce qui leur permettra de stopper ou de ralentir l’hémorragie, mais la situation est loin d’être réglée pour tous. Les restaurants, les bars, les salles d’entrainement et les salons de coiffure et d’esthétique doivent encore patienter.
Parmi les commerçants présents à cette rencontre virtuelle, Annie Faucher, du Liverpool Billard Night Life. « C’est difficile de planifier une relance sans avoir de date de réouverture, souligne d’emblée l’entrepreneure. Il y a des journées où l’on se sent vraiment impuissant. Les restaurants et les bars sont dans une case à part et c’est complexe, même pour quelqu’un qui est en affaires depuis 28 ans! »
Logiquement, les bars devront patienter encore plus longtemps que les restaurants avant de retrouver leur clientèle. Pour Le Liverpool, il s’agit là d’un autre obstacle. « La restauration n’est pas mon revenu principal, explique Annie. Du coup, j’ai l’impression de me retrouver entre deux chaises », poursuit l’entrepreneure qui, depuis la fermeture temporaire de son commerce, fait du bénévolat en compagnie de son conjoint et partenaire d’affaires Charles Gauthier. Au cours des derniers jours, ils ont pris la décision d’offrir un service de prêt-à-manger et de commandes pour emporter, en attendant de pouvoir reprendre du service sur la rue Wellington Sud. « Nous travaillons sur ce service qui devrait être prêt dans deux semaines. Nous aurons un système de cueillette. »
Francine Larochelle, du bar Le Tapageur, était aussi présente virtuellement à la clinique. Complètement fermé depuis le début du confinement, le commerce ouvrira les portes de sa cuisine dans quelques semaines. « Nous avons fermé sans savoir combien de temps la crise allait durer, mais nous ne pouvons pas rester fermer aussi longtemps, souligne Francine Larochelle, copropriétaire du Tapageur. Nous avons décidé de rouvrir la cuisine en début juin, peut-être même un peu avant, pour offrir du prêt-à-manger et des commandes pour emporter ». Notons que Le Tapageur est un bar à tapas, à cocktails et à vins naturels, situé sur la rue King, au cœur du centre-ville.
Cette idée de changer son fusil d’épaule le temps que la situation revienne complètement à la normale fait du chemin chez plusieurs entrepreneurs. Marc Thibault, du bar-discothèque Le Loubards, a abordé le sujet lors d’un échange avec Pro-Gestion Estrie, il y a quelques jours. « Ce n’est pas demain que les gens pourront aller danser sur notre piste de danse, mais on tient à ce que nos clients reprennent tranquillement leurs habitudes. Nous avons déjà une cuisine extérieure, un menu estival depuis plusieurs années et une très grande terrasse, alors on veut se positionner comme restaurant. »
M. Thibault a aussi commencé à faire des achats, tels que des masques et des produits désinfectants, pour être conforme en ce qui a trait aux mesures sanitaires, en plus de réfléchir à la façon dont sera structurée sa terrasse. « Nous avons la capacité de recevoir 150 personnes, souligne-t-il. Donc, en respectant les deux mètres et en fonctionnant à 50 % de notre capacité, on peut accueillir 75 personnes. »
Des coûts importants reliés aux mesures sanitaires
Les questionnements concernant les mesures sanitaires étaient bien sentis lors de la clinique « Réouverture : Comment s’y prendre ». « De mon côté, souligne Annie Faucher, je suis agréablement surprise de constater que la plupart de mes employés n’ont aucune crainte à servir les clients. Par contre, il faudra absolument que le gouvernement nous donne plus de précisions. »
« On se demande si les mesures de protection que nous prendrons seront suffisantes ou si on devrait en faire encore plus », a demandé pour sa part le propriétaire du Dr. du Matelas, André Mubhano, qui rouvrira les portes de son magasin situé sur le Chemin St-Élie la semaine prochaine.
François Desmarais, directeur général adjoint à Commerce Sherbrooke, explique que chaque situation est différente. « C’est du cas par cas. Il faut adapter sa situation pour que les employés et les clients se sentent en sécurité. Les employés sont très inquiets, on le voit d’ailleurs dans certaines épiceries, entre autres. Costco, pour sa part, a récemment choisi de demander à sa clientèle de mettre un masque. Est-ce qu’on a le droit d’imposer cette mesure aux clients ? La réponse est oui. Par contre, il faut se demander quelle sera notre réaction si un client refuse de mettre un masque. Certains commerçants pourraient choisir d’en fournir et d’assumer les coûts. »
Les coûts reliés aux mesures sanitaires apportent aussi son lot de questionnements. Krystel Waite, copropriétaire du salon KDM & et Cie. Lab beauté, avoue que les coûts seront considérables. D’ailleurs, Krystel et sa partenaire d’affaires Mélanie Caron travaillent en collaboration avec d’autres salons de beauté, afin de discuter et de s’entendre sur une taxe sanitaire.
Achat de capes, de masques et de gants jetables, produits désinfectants pour les mains et pour les équipements, temps accordé pour désinfecter entre chaque client ; tout est considéré. « Chaque jour, nous allons devoir laver le salon au complet au désinfectant Barbicide, explique Krystel. Nous allons devoir aussi désinfecter nos postes et tous nos objets de travail entre chaque cliente, ainsi que les lavabos. Il faut aussi calculer tous les coups de pompe de désinfectant pour les mains. Nous estimons que nous allons perdre 10 % de notre productivité par personne. Nous ne pourrons pas non plus travailler à pleine capacité (habituellement 6 coiffeuses et deux esthéticiennes), puisque nous devrons respecter les mesures du deux mètres. Nous continuons à faire des soumissions, mais nous estimons que tous les équipements et les gestes nécessaires pour bien respecter les mesures d’hygiène coûteront environ 8 $ par cliente pour une coloration. Pour une coupe de cheveux d’homme, le coût sera moindre, car le temps passé au salon est beaucoup moins long. »
Krystel avoue que la situation peut être très différente pour les restaurants et les bars, mais elle invite les commerçants à collaborer entre eux pour trouver des solutions. « On veut s’entraider, plutôt que de compétitionner entre nous. »
Notons que Commerce Sherbrooke mettra en ligne cette semaine sur son site Web des ressources utiles pour faciliter la relance des commerces.
Sur la photo, Charles Gauthier et Annie Faucher, propriétaires du Liverpool.