Chronique

La revitalisation, un immeuble à la fois

PAR:
Jean-François Vachon

Depuis l’approbation récente du projet Quartier Well Sud, l’annonce d’un important projet de revitalisation sur la rue Galt Ouest et la construction prochaine d’un pont signature dans le secteur Grandes-Fourches, le centre-ville de Sherbrooke vit un moment historique au niveau de son développement. Bien que ces initiatives (et d’autres) soient largement financées par des fonds publics, elles sont aussi portées par des investisseurs privés, des commerçants et des citoyens qui croient au potentiel du cœur historique de leur ville.

Parmi ceux-ci, il ne faut pas négliger le rôle central des propriétaires immobiliers, non pas tous, mais surtout ceux qui n’hésitent pas à prendre soin de leurs immeubles et qui travaillent en collaboration avec leurs occupants, qui sont parfois commerçants. Ayant rencontré plusieurs d’entre eux, j’ai constaté à quel point les bâtiments qui accueillent leurs restaurants ou leurs boutiques constituent un élément vital de leurs projets d’affaires. Une augmentation soudaine de loyer, une mésentente avec le propriétaire, un manque de travaux d’entretien et certains imprévus, comme un dégât d’eau ou voire même un incendie (causés souvent par un déficit d’entretien), peut rapidement mettre fin à un projet, même rentable et prometteur.

D’un autre côté, un commerçant qui fait affaire avec un propriétaire immobilier qui souhaite investir dans son immeuble et qui croit au potentiel du centre-ville de Sherbrooke s’avère un atout de taille. Le restaurant Persépolis a eu cette chance récemment. Grâce à l’arrivée de nouveaux propriétaires, notamment la Société de gestion immobilière Giustimmo Québec, leur commerce, situé au 305, rue King Ouest, a maintenant une façade renouvelée et une terrasse, à l’arrière, ouvrira sous peu. Le bâtiment entier a également été rénové. Les mêmes propriétaires ont aussi acheté et restauré l’immeuble voisin (le 283, King Ouest), qui a abrité pendant de nombreuses années le mythique Rock and Burt et qui était, jadis, l’Hôtel Union.

Lors de la rénovation de l’immeuble, un souvenir du passé a refait surface.

Des initiatives de la sorte, qui ne sont pas comparables à des projets d’envergure, ont pourtant un impact significatif. Aujourd’hui, quand on s’arrête au feu rouge du coin King et Alexandre, on ne voit plus deux bâtiments délabrés, mais deux édifices à l’allure presque neuve et une petite ruelle (située entre les deux) qu’on a maintenant envie de découvrir plutôt que d’éviter.

Pourtant, lorsque les nouveaux propriétaires ont acheté l’immeuble du 283, rue King Ouest, la situation était critique. La majorité des logements étaient à l’abandon et le propriétaire n’avait pas été sur les lieux depuis très longtemps. Des trous jonchaient les murs et certains appartements étaient occupés par des squatteurs. Cette réalité déplorable, qui m’a été décrite par le président de Giustimmo Québec, Michele Giustiniani, fait réfléchir et laisse croire que d’autres bâtiments du centre-ville, ayant parfois une valeur historique, ont grandement « besoin d’amour » et risquent même, dans certains cas, de disparaître.

Après quelques années moins reluisantes, les deux immeubles du bout de la rue Alexandre ont cependant évité ce destin et constituent aujourd’hui un site privilégié pour de nouveaux commerçants et des locataires. Un des locaux des immeubles accueille maintenant un café. En juillet, des étudiants en arts visuels de l’Université de Sherbrooke dévoileront également une murale, actuellement en création, entre les deux bâtiments.

Un aperçu du développement souhaité

Par ses actions et celles de ses partenaires, Michele Giustiniani souhaite stimuler la vie de quartier et attirer d’autres commerces de proximité comme un dépanneur, une pharmacie et des boutiques afin de « servir les gens autour » qui sont parfois contraints se déplacer en périphérie pour obtenir ce dont ils ont besoin. De tels propos font écho aux dires de plusieurs citoyens qui souhaitent que le centre-ville ait tous les atouts nécessaires pour inciter les gens non seulement à le fréquenter pour le travail ou pour une sortie, mais à l’habiter véritablement.

De grands projets contribuent au développement du centre-ville, c’est certain. Mais de plus petites initiatives, à l’échelle d’un ou deux immeubles, font également la différence. À ce sujet, la Ville de Sherbrooke offre des subventions et des crédits de taxes aux propriétaires qui souhaitent rénover, restaurer et améliorer l’apparence de leurs immeubles. Les nouveaux propriétaires des 305 et 283, King Ouest en ont d’ailleurs bénéficié. Michele Giustiniani croit également que si la Municipalité s’engageait à plus long terme dans de telles initiatives, les investissements et les projets privés seraient encore plus importants.

« On s’est rendu compte que c’est un secteur qui est appelé à revivre. Le momentum est là. La municipalité a fait son bout, il ne faut pas qu’elle lâche. Des entrepreneurs comme nous, il y en a d’autres […] et il faut qu’ils viennent. Ça prend plusieurs idées pour revitaliser un centre-ville, » Michele Giustiniani.

Michele Giustiniani, président directeur général, Giustimmo Québec