Le Kàapeh, le plus beau plafond du centro
Le café est quelque chose de très important dans ma vie. Il m’aide chaque matin à répéter maintes fois aux enfants filles qu’il faut partir. Sans élever la voix. Il m’aide à accepter que mon chum vide le lave-vaisselle à ce moment précis-là. Sans rien dire. Parce qu’il vide le lave-vaisselle, lui. Il m’aide à vivre le quotidien dans ce nouveau concept de charge mentale qui n’avait pas besoin de nom pour exister. Pour que tout le monde en parle. Mais il y a de ces cafés meilleurs que d’autres. Mais il y a de ces cafés plus tranquilles que d’autres.
Une ardoise te présente une pensée à l’arrivée, y’a un dessin dans ton café. Pis le plus beau plafond du centro : le Kàapeh. Ceux qui ont connu le centro de mon époque se souviendront peut-être que le 137, rue Frontenac abritait la Friperie YIP. Il y avait des vêtements usagés, mais beaux et tendance. Durant ces années d’existence, on y a même vu apparaître quelques designers québécois. C’est peut-être, en quelque sorte, l’ancêtre lointain du Belle et Rebelle. L’achat local n’appartient pas à 2018. C’était une institution. Qui a été remplacée par ce qui est aussi en train de devenir une institution.
Le Kàapeh
Je me demande si le piano est le même. Je pense que non. Dans mon souvenir, le piano de YIP était un piano droit. J’aime bien les pianos droits. Ils sont majestueux. Mais un piano trouve toujours sa place dans un café. Comme le piano du café des artistes.
Depuis que je gère en partie un resto, je fais attention quand je commande dans un autre resto pour respecter le menu, pis pas demander de changements, parce que ça peut être gossant ceux qui demandent des changements (à moins d’une allergie alimentaire – évidemment). Alors j’ai pris le grill cheese servi avec une salade, pis j’ai ajouté une soupe parce que c’était les premières journées de novembre qui nous ont assommés cette année d’un hiver beaucoup trop précoce.
J’aurais pu demander de remplacer la salade par la soupe. On y mange bien. Très bien. À la fin du repas, restait la salade dans l’assiette. Celle que j’aurais voulu remplacer par la soupe. Alors Alberto m’a demandé si je voulais amener la salade, mais j’avais encore beaucoup trop d’heures à passer en ville. C’est là qu’il m’a dit : « La prochaine fois, tu peux remplacer la salade par la soupe, comme ça on ne gaspille pas. » Tellement! L’eau est en self-service. Aussi. On jette tellement d’eau dans les restos. On y consomme donc très écolo.
J’aurais envie de vous dire que j’adore cet endroit pour y avoir vu naître mon premier roman, pour y avoir corriger des tonnes de copies de travaux étudiants, pour la place faite aux artistes qui y exposent, pour les dessins dans les cafés, pour la musique pas trop forte et bien choisie. Pour la connaissance qu’ont Alberto et son équipe du café. Pour le plus beau plafond du centro qui saurait inspirer n’importe quelle page blanche.
J’aurais envie de te dire que si tu passes la journée là, achète au moins deux cafés. Ou un café pis un petit déjeuner mexicain. Mieux encore, un café pis un petit déjeuner mexicain à ton arrivée, plus une bière en fin de journée. Si t’étudies, ce qui est très cool parce que ça va probablement te mener loin dans la vie et que des gens se pointent pour manger, bien prends pas 4 places pour mettre ton ordi pis tes livres. Assis-toi écologiquement, pis permets au Kàapeh d’assurer son avenir pis le tien. T’es chanceux d’avoir une place de même.
Avant de partir, dis merci pis n’oublie pas de regarder vers le ciel, parce que c’est le plus beau plafond du centro.
P.S. Le meilleur dans tout ça, c’est que je n’y ai jamais daté personne. Alors je peux vaquer tranquille sans souvenirs ambigus. Garde-toi toujours un endroit safe de même au centro.