Les saveurs de l’Iran au bout de la rue Alexandre
L’avez-vous remarqué? Depuis près d’un an, le quartier situé près de la rue Alexandre vit une véritable transformation. Et ça se voit à l’œil! En 2017, À Fleur de Vie a érigé une belle « maison jaune » qui redore le coin Alexandre et Aberdeen. Cette année, le local de l’ancien commerce Meubles Alexandre (vide depuis près de deux ans) a été revampé pour le projet Alex Maison Live Learn : des appartements meublés pour étudiants avec un café au rez-de-chaussée (l’ouverture est prévue pour 2019). Depuis peu, l’ancienne Caisse populaire Desjardins du 230, rue King Ouest, presque vide depuis des années, accueille maintenant le Marché 5e saison.
Et la revitalisation ne s’arrête pas là! Les deux immeubles situés au bout de la rue Alexandre, au coin Alexandre et King (dont l’un abritait le mythique Rock & Burt), ont été complètement rénovés cet automne. Il était temps, me suis-je dit, après plusieurs « prières », le temps d’un feu rouge, pour que ces deux immeubles reçoivent un peu d’amour et de beauté. C’est aujourd’hui chose faite! L’entrée de la rue Alexandre est maintenant à l’image du dynamisme qui caractérise le quartier.
Qui sont les artisans de ce printemps urbain? Rien de moins que des entrepreneurs passionnés qui voient le potentiel du quartier et qui décident d’y investir. C’est le cas de Farnaz Abbassi et Maysam Mohammadimajd, les propriétaires du restaurant Persepolis : le premier restaurant iranien en Estrie! Depuis décembre 2016, leur commerce redonne vie au local du 305, rue King Ouest.
Le choix de ce lieu, très bien situé selon Farnaz, a été mûrement réfléchi par les deux propriétaires qui ont pris le temps d’arpenter les rues du centre-ville pour trouver la perle rare :
« On a marché tout le centre-ville (je pense qu’on a presque vu tous les locaux vides) sur la Wellington, la King Est et la King Ouest. On a vu la première fois ce local-là et on trouvait qu’il était bien situé. »
Certains leur avaient pourtant « très déconseillé » ce choix, notamment parce que le local était abandonné depuis quelque temps et que l’endroit était mal entretenu. En 2016, Farnaz et Maysam ne savaient également pas que l’immeuble, situé au bout de la rue Alexandre, serait rénové entièrement par un nouveau propriétaire près de deux ans plus tard. Ils conservèrent néanmoins leur coup de cœur :
« Si un local est vide, on ne peut pas dire que ça ne peut pas fonctionner. Il faut commencer le changement. On a pris une chance, on a travaillé fort et on a changé le look. »
Ce nouveau look est aujourd’hui très perceptible et constitue l’un des principaux atouts du commerce. D’autant plus que Farnaz et Maysam ont effectué toutes les rénovations et les préparations pour l’ouverture du restaurant… en un mois! Est-ce possible? Oui, mais au prix de quelques livres en moins, dit Maysam qui croit en avoir perdu au moins dix. Sans compter les heures de sommeil qui se firent plus rares.
Ces efforts ne furent pas en vain, car entrer au Persepolis est aujourd’hui une expérience en soi : les couleurs, la musique et même la vaisselle nous transportent en Iran. Mon coup de cœur personnel : les nombreuses pièces d’artisanat iraniennes que Farnaz et Maysam ramènent « les valises pleines » lors de leurs escapades occasionnelles en leur terre natale.
Ce désir d’offrir un décor « typiquement iranien » est à l’image de la volonté des propriétaires de faire découvrir la culture et la cuisine iranienne telle qu’elle est. Pas question d’américaniser les recettes ou de les modifier pour plaire au plus grand nombre. La cuisine du Persepolis est exactement comme en Iran, sans compromis. Les clients ont donc la chance d’apprécier la vraie « plus vielle cuisine du monde ».
Celle-ci se distingue par ses herbes et ses épices (et particulièrement le safran qui joue un rôle très important). Il s’agit aussi d’une cuisine qui demande du temps et de la patience : les plats doivent être préparés d’avance et mijotés longtemps. Le menu du Persepolis est très varié et les plats servis portent tous des noms exotiques comme Zereshk Polo, Ghormeh Sabzi, Ghyemeh, Bandari, Lubia… Des options végétariennes sont aussi disponibles en plus de desserts succulents, tels que des Baghlavas, le Khorma et des Nokhodchi. On peut également découvrir plusieurs breuvages exotiques comme le Doogh, une boisson gazeuse au yogourt et à la menthe. Tous ces délices comprennent des ingrédients rares qui ne trouvent pas à Sherbrooke ni même au Canada. Farnaz et Maysam se déplacent parfois à Montréal pour se les procurer. Certains proviennent aussi directement d’Iran. Pour faire changement du sel et du poivre, une « salière » de sumac se trouve à portée de main sur toutes les tables.
Depuis son l’ouverture, le Persepolis attire plusieurs clients, majoritairement québécois, mais aussi d’autres iraniens qui retrouvent un sentiment de chez soi entre ses murs. Certains Iraniens considèrent le restaurant « comme un petit lieu d’accueil » leur permettant d’obtenir des conseils et des ressources pour faciliter leur arrivée au Québec. Cette situation n’est pas étrangère à Farnaz qui a travaillé pendant plusieurs années aux Services d’aide aux Néo-Canadiens. C’est d’ailleurs dans le cadre du Buffet interculturel (un événement organisé par l’organisme qui met à l’honneur les saveurs et la cuisine de plusieurs pays) que les deux copropriétaires ont pour la première fois offert leur cuisine au grand public. Les bons commentaires des convives les ont motivés à concrétiser leur idée de restaurant. Un projet qu’ils « rêvaient ensemble » depuis longtemps.
Farnaz et Maysam se complètent bien. Maysam s’occupe de la cuisine et Farnaz de l’administration, du personnel et de la salle à manger. Quatre employés à temps partiel leur prêtent assistance. Un petit arrêt en Iran ce midi ou ce soir? Pourquoi pas! Au printemps prochain, une terrasse, au décor d’inspiration iranienne, ouvrira également sur le côté de l’immeuble – un ajout qui contribuera certes à raviver le quartier et à attirer plusieurs curieux en quête de nouvelles saveurs.