Chronique

L’ultime adieu d’Irisium

PAR:
Marie-Cristine Pachès

Il y a de ces idées que l’on aurait aimé voir réussir. De ces projets, que d’aucuns jugeraient un peu fous, qui ne visent qu’à aider, qu’à rendre le monde un petit peu meilleur… Est-ce que je vous parle ici d’aide humanitaire, de projets communautaires? Mais non, car aider, ça peut prendre toutes sortes de forme! Je vous parle ici de feu Irisium, ce centre de diffusion des arts, cette deuxième maison que nombre d’artistes ont adoptée au cours des deux dernières années, mais qui, malheureusement, aujourd’hui n’est plus.

Tout est parti d’une idée, d’une envie qui a germé dans l’esprit bouillonnant de Jean-Christophe Gagnon. Après avoir bourlingué et être passé de la Chine au Kazakhstan, puis au Saguenay, c’est finalement à Sherbrooke que le jeune entrepreneur est venu s’installer avec sa copine de l’époque en 2016. Ensemble, ils ont développé un modèle d’affaires qui a permis à la jeune femme de vivre de son art, la photographie, en moins d’un an. Par la suite, Jean-Christophe a eu envie de dupliquer la formule à d’autres artistes afin les aider à se propulser dans le monde des affaires, à diffuser leur art et à se faire connaître davantage du public.

Le jeune entrepreneur s’est donc mis à la recherche d’un local et a cogné à plusieurs portes afin d’obtenir le financement nécessaire à la mise sur pied de cet ambitieux projet; auquel il a lui-même ajouté une coquette somme. En juillet 2017, Irisium ouvrait finalement ses portes. Cet impressionnant espace de co-working, où les artistes de tout acabit pouvaient se côtoyer, pratiquer, performer et échanger, a ainsi fourmillé de gens et de projets durant ses deux ans et demi d’existence. Durant les périodes les plus achalandées, jusqu’à huit évènements pouvaient avoir lieu chaque semaine chez Irisium, dont près de la moitié étaient coordonnés de A à Z par l’équipe interne. Au fil des derniers mois, une quinzaine d’expositions majeures en arts visuels ont également été présentées, lesquelles ont permis à certains de ces artistes de se propulser sur la scène internationale.

Mais alors, me demanderez-vous, pourquoi un lieu aussi effervescent et prometteur a-t-il fermé ses portes? Oui Irisium a connu un beau succès, oui il a attiré une foule de curieux, d’adeptes, de passionnés et d’amateurs de tous genres, mais pour poursuivre sur cette belle lancée, son fondateur devait impérativement trouver quelqu’un pour le seconder. C’est ainsi qu’avec l’aide d’un expert en RH, il s’est mis à la recherche du parfait candidat, et ce, durant plus de six mois. Malheureusement, aucune des personnes rencontrées n’avait le profil idéal : le cocktail expérience-motivation-savoir-faire-idées semblait impossible à trouver. Essoufflé, sans allié pour le soutenir dans sa lourde tâche et s’étant vu refuser diverses subventions au fonctionnement qui auraient pourtant été bienvenues, Jean-Christophe a longtemps mesuré les enjeux avant de se résigner à fermer les portes sur ce beau rêve…

« C’est bien connu, la culture ne peut vivre sans subventions, mais nous, on a quand même réussi à le faire durant deux ans et demi! » me lance l’entrepreneur. Dans cette ultime phrase, je perçois la déception, peut-être aussi une pointe d’amertume qu’on ne peut lui reprocher… Quand on sait que la Politique culturelle du Québec a lancé l’été dernier son premier plan d’action « Partout, la culture » et s’est vue octroyer un budget record de 600,9 M$, on comprend effectivement mal qu’un lieu de diffusion aussi unique, inclusif et porteur de beaux projets ait dû fermer ses portes.

Néanmoins, en guise d’adieu, Jean-Christophe a offert une ultime soirée aux adeptes de l’endroit afin de les remercier d’avoir traversé avec lui ces flots mouvementés. Le « last call » d’Irisium a ainsi eu lieu le 19 janvier dernier et ce sont plus de 20 artistes qui se sont payé la traite en jammant jusqu’à trois heures du matin… Pour le plus grand plaisir des nostalgiques qui assistaient à ce dernier tour de piste. Adieu Irisium, ton énergie vive va nous manquer!