Mobilisation monstre dans le Quartier Alexandre
Mardi le 17 septembre dernier, plus de 70 personnes dont des commerçants, des propriétaires d’immeubles, des organismes et des citoyens, ont répondu à une invitation lancée conjointement par un comité nouvellement formé dans le Quartier Alexandre et Commerce Sherbrooke. L’objectif de la rencontre était de présenter aux personnes présentes l’approche de la Fondation Rues principales, qui au cours des 30 dernières années, a permis de dynamiser des cœurs de collectivité partout au Québec et au Nouveau-Brunswick.
Je me souviens de la première fois que je suis passé sur la rue Alexandre. C’était en 2001, lors de mon arrivée à Sherbrooke. Comme plusieurs personnes de l’extérieur, je croyais que le centre-ville gravitait autour des rues King et Wellington. Je ne savais pas qu’une autre artère commerciale importante existait au centre-ville.
La rue Alexandre était pourtant là et ma première impression n’était pas négative du tout. Un soleil radieux l’illuminait et plusieurs lampadaires portaient des banderoles où il était fièrement écrit « Rue Alexandre ». Elle me paraissait vivante et charmante, notamment grâce à ses petits commerces originaux comme À Fleur de Vie, la Librairie Isis, La Mie de la Couronne, les Trésors d’Alexandrine, le Coin d’Italie et bien d’autres. Certains d’entre eux sont encore présents aujourd’hui.
Quelques mois après cette première visite, j’ai entendu les commentaires négatifs : la prostitution, la criminalité, les graffitis et j’en passe… Pendant les années 2000, j’ai également vu plusieurs commerces fermer leurs portes ou déménager. Malgré ces problèmes, ma première impression, positive, refusait de me quitter. Pour moi, la rue Alexandre restait une rue intéressante et prometteuse, complémentaire à Wellington et King.
Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Plusieurs citoyens que j’ai rencontré habitent le quartier depuis leur enfance et y sont attachés. On m’a aussi raconté plusieurs belles histoires. Celle du Café Virgule, celle du Loubards, celle du Bateleur, celle du Café aux Livres et bien d’autres. La rue a déjà été très animée et des Sherbrookois s’en souviennent.
Est-ce que la rue Alexandre est dévitalisée aujourd’hui? Certaines personnes croient encore que oui, mais lorsqu’on la visite régulièrement, on constate qu’elle n’a plus du tout l’allure d’une rue délaissée. C’est un milieu de vie offrant de nombreux services de proximité, notamment des boutiques et des restaurants dynamiques, des cafés, des bureaux, des dépanneurs, des coiffeurs, une boulangerie et une école réputée. Depuis le début des années 2010, le Quartier Alexandre reprend vie et plusieurs ont envie de s’impliquer pour que le tout se poursuive.
Une mobilisation exceptionnelle
Mardi soir, on a eu la preuve que cette volonté était bien réelle. 74 personnes se sont mobilisées pour soutenir une démarche de dynamisation dans le Quartier Alexandre. La conseillère municipale et présidente de l’arrondissement des Nations, Mme Chantal l’Espérance, était présente, ainsi que plusieurs autres acteurs importants du milieu, tel le directeur général de la Coopérative d’habitation des Cantons-de-l ’Est, Philippe Grenier.
L’invité de la soirée, Pierre-Olivier Morissette, de la Fondation Rues principales, a donné un vibrant exposé sur la manière dont l’approche développée par son organisation pourrait éventuellement répondre aux aspirations de la communauté du secteur. Tout en expliquant les différentes étapes à franchir pour y arriver, il a notamment souligné l’importance de concerter les différentes parties prenantes, dont les habitants du quartier et de valoriser son identité et ses forces.
Avec le soutien de la Fondation, Commerce Sherbrooke a d’ailleurs déployé plusieurs projets de dynamisation inspirés de l’approche de la Fondation Rues principales sur le territoire, notamment sur la rue King est, dans l’arrondissement de Fleurimont. Les résultats furent très intéressants et le processus pourrait se répéter sur la rue Alexandre. Les citoyens doivent toutefois être prêts à s’investir. C’est très bien commencé!
Toute la soirée était animée par Philip Bastarache, conseiller à la dynamisation chez Commerce Sherbrooke. Il m’a expliqué plus précisément comment son organisation et la Ville de Sherbrooke peuvent venir en aide aux citoyens qui souhaitent se mobiliser pour leur quartier :
« À Commerce Sherbrooke, nous faisons des projets de dynamisation dans des milieux où les citoyens et citoyennes démontrent une volonté de se mobiliser pour améliorer leur cœur de collectivité. La Ville de Sherbrooke soutient les initiatives portées par le milieu. À mon avis, il n’y a pas de meilleurs acteurs de changements dans un quartier que ceux et celles qui y vivent, y travaillent, ou le fréquentent sur une base régulière. En ce sens, le message qui est envoyé par la communauté du Quartier Alexandre ce soir semble clair. »
Un comité de quartier dynamique
Mais comment s’est créée cette mobilisation dans le Quartier Alexandre? Récemment, un nouveau comité a été mis sur pied pour revaloriser le secteur. Ce dernier s’est formé sous l’initiative de François Choinière, un propriétaire immobilier qui a fait du porte-à-porte pour rencontrer les citoyens de la rue et les inviter à s’impliquer et à agir en commun. Des résultats concrets sont déjà au rendez-vous :
« On a établi une stratégie pour enlever les graffitis sur la rue Alexandre. Juste sur la rue, il y a 72 immeubles et sur les 72, il y en avait 38 qui étaient graffités. Présentement, il n’en reste que trois qui en ont encore. Ça a changé un peu l’ambiance de la rue. »
– François Choinière
Après un remue-méninge effectué en collaboration avec les habitants, le comité a aussi « couché sur papier toutes les idées qui existaient » pour le développement touristique, culturel et économique de la rue Alexandre. Certaines suggestions font plus consensus que d’autres :
« On voudrait développer la rue d’un point de vue culturel […] [Faire] quelque chose qui serait un produit d’appel. Pas juste quelque chose qui dure une journée et après cela il n’y a plus rien le restant de l’année. On aimerait cela avoir quelque chose qui dure 365 jours par année. »
– François Choinière
Des citoyens donnent leur avis
Pendant la soirée, plusieurs personnes ont exprimé leurs idées par rapport au quartier. Yvon, un propriétaire de deux immeubles, croit que la rue s’est améliorée. Du travail reste cependant à faire pour l’embellir et changer sa réputation :
« On veut faire une rue plus respectable, plus propre. Il y a des bâtisses qui ne sont pas belles, il faudrait qu’elles soient rénovées; il faut commercer par ça. Il faut commencer par rendre la place attirante. »
Un citoyen exprime une idée similaire. Une opération « marketing » est nécessaire dans le secteur. Bien qu’il se porte mieux depuis quelques années, ce n’est pas tout le monde qui est courant :
« Le quartier vit avec une réputation qui est difficile à enlever. […] Nous, on a rénové la bâtisse au coin Aberdeen et Alexandre. Ça fait 6 ans qu’on est là, on a vu la transition, c’est beaucoup mieux qu’il a y six ans, mais les gens à l’extérieur du quartier ont encore la veille réputation qui date de plusieurs années. »
Un propriétaire immobilier a été confronté à ces préjugés. Il y a quelques années, certains lui déconseillaient d’investir dans le quartier. Il n’a pas écouté ces commentaires et il a décidé d’y acheter un bâtiment et même d’y vivre. Quelques années plus tard, il a revendu son immeuble à profit et il en a acquis un autre. Même s’il ne demeure plus dans le secteur, il avoue s’en ennuyer.
De nombreuses suggestions, aussi diverses qu’intéressantes, ont été exprimées pour améliorer le quartier. Par exemple, il a été suggéré d’aménager une piste cyclable sur la voie ferrée, d’effectuer des efforts pour attirer de nouveaux propriétaires, de reconfigurer la rue pour accommoder les piétons, ou de favoriser le développement de commerces « de niche » et d’artisanat. Certains de ces projets pourraient se réaliser uniquement par une implication accrue des citoyens et des investissements privés. Cependant, la majorité des participants s’entendent sur le fait que des investissements publics sont également nécessaires. Un propriétaire-occupant s’exprime à ce sujet :
« Y mettent des millions sur Wellington. […] Il y a beaucoup d’argent là et il y a comme un trou entre les deux qui se trouvent être la rue Alexandre, où il n’y a personne qui ose traverser d’une place à l’autre. […] J’espère que la Ville est intéressée à mettre de l’argent là-dedans parce qu’on veut dynamiser le centre-ville et personnellement, je pense que la rue Alexandre fait partie du centre-ville […]. »
Une chose est certaine, le rassemblement de mardi dernier marque une étape importante dans l’évolution du Quartier Alexandre. Ses habitants se sont exprimés et ils ont été informés des possibilités développement. Le plus grand succès de la soirée est toutefois, à mon avis, le fait que les citoyens du secteur se soient rencontrés en grand nombre dans un objectif commun. Je ne suis pas le seul à être de cet avis :
« Je suis vraiment rassurée. […] Ce que j’entends ce soir, c’est que ça part de la base et que toutes les idées vont être considérées et que tous les humains à travers tout cela vont être considérés […] pour faire ensemble un milieu de vie. […] De se regrouper comme cela, ça fait du bien. »
– Une commerçante de la rue Alexandre
Si vous avez envie de vous impliquer, vous pouvez écrire au président du comité du Quartier Alexandre, François Choinière à l’adresse suivante : comite@quartier-alexandre.org. Visitez également la page Facebook du quartier développée par Commerce Sherbrooke et l’Association des gens d’affaires du centre-ville.