Visages du Centro

Romuald Lessard, celui qui beat Sherbrooke depuis 25 ans!

PAR:
Marie-Cristine Pachès

Ils sont impliqués et ne cherchent pas à être le centre de l’attention. Ils souhaitent créer du beau et du bon pour que nous puissions profiter d’un milieu de vie dynamique et vivant. Ce sont ces visages que nous croisons tous les jours au cœur du centre-ville. Chaque mois, grâce à notre chroniqueuse, vous aurez la chance de découvrir les visages du Centro. Ces personnes qui croient au développement du centre-ville et qui y contribuent à grands coups de passion et d’amour!

Romuald est l’une des premières personnes avec qui j’ai communiqué dès le lancement du projet des Visages du Centro. Pour moi, c’était incontournable de faire le portrait de celui qui fait danser Sherbrooke depuis plus 25 ans! En effet, peu importe l’événement, si ça bouge, il est là avec ses danseurs du Studio Anime Action (désormais le Studio A2)! Les fidèles du Festival des traditions du monde et du Festival du cinéma de Sherbrooke le connaissent aussi très bien en tant qu’animateur et entertainer! Mais Romu, c’est aussi mon ami, un gars franchement sympathique, qui a toujours mille et une histoires à raconter et des projets passionnants en chantier.

Ensemble, on avait convenu d’attendre le printemps pour se rencontrer, faire l’entrevue à l’extérieur; voire inviter quelques danseurs de ses troupes à performer. On s’est donc donné rendez-vous le 22 avril, Jour de la Terre… et Mère Nature a décidé de nous envoyer du gros frette et de la neige pour l’occasion! On a vite cherché un refuge chaleureux et c’est au très accueillant Café Soko que je suis finalement allée à sa rencontre. 

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Un petit Sherbrookois d’Haïti

Comme c’est presque devenu un incontournable, j’entame notre conversation en lui demandant depuis quand il est un Sherbrookois. «Au départ, ma mère a immigré seule pour rejoindre sa sœur à Ottawa. J’ai habité quelques années avec mes grands-parents avant de venir la rejoindre. Quand je suis arrivé, j’avais une nouvelle sœur, Anita, qui avait un an et demi; moi j’avais cinq ans. Jusqu’à mes dix ans, nous étions à Gatineau, puis on est déménagés à Sherbrooke. Je suis rentré à l’école Beaulieu en 4e année et je suis un Sherbrookois depuis ce temps-là!» relate-t-il.

Facile de m’imaginer que le petit Romuald n’a pas eu trop de mal à s’intégrer ici! Il me confirme ce dont je me doutais déjà: qu’il a toujours été sociable, volubile et actif… Un petit placoteux, passionné de soccer, qui parlait à tout le monde et qui réussissait toujours à enrôler ses amis dans ses projets! 

Surfer sur la vague du break dance

Et la danse dans tout ça? «Je pense que c’est arrivé durant l’été avant mon entrée au Triolet. Le break dance est apparu comme une vague et j’ai tout de suite aimé ça! Ça a duré à peine 2-3 ans et, ensuite, c’est devenu presque quétaine de faire du break… Sauf que je n’ai jamais arrêté de danser! J’aimais la danse «debout», les mouvements saccadés; ce qu’on appelle aujourd’hui le popping» se souvient le professeur. C’est au cours de ces années d’exploration artistique, alors qu’on appelait le hip hop du rap et qu’aucune école ne l’enseignait qu’il a appris à perfectionner ses mouvements. «Je n’ai jamais été le meilleur chorégraphe», confie-t-il. «Je dis souvent que les profs du Studio A2 sont de bien meilleurs là-dedans que moi! Mais j’avais de l’énergie et du guts, je reproduisais les moves des vidéoclips que je regardais et on dansait chaque fois qu’on pouvait.»

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Il me raconte quelques souvenirs de l’époque… Comment ses amis et lui allaient récupérer des boites d’électroménagers chez Tousignant Meubles pour en faire des planchers de danse qu’ils transportaient ensuite un peu partout avec leur Ghetto blaster. Leurs spectacles dans les centres d’achats, dans le mail central du Woolco ou dans la cour de l’école Beaulieu… Principalement les samedis, pour être certains que les filles qui y suivaient des cours de ballet jazz puissent bien apprécier le talent de ces jeunes B-Boys à leur sortie des classes! Je rigole un peu en lui faisant remarquer qu’il n’a jamais perdu cette envie de plaire aux filles! Car Romuald est un charmeur, il n’y a pas que la danse dans son ADN! 

De prof d’éduc à prof de hip hop, la naissance d’Anime Action

Les années ont défilé, ses envies de petit garçon de devenir pompier, policier ou même joueur de soccer professionnel ont tranquillement cédé la place à des projets plus près d’ici. «Vers la fin de mon secondaire, j’ai envisagé d’aller en communication et j’ai même entamé des démarches pour étudier à Jonquière… Mais j’ai vite réalisé que j’étais trop attaché à Sherbrooke!» Il a donc poursuivi son parcours et est entré à l’Université de Sherbrooke en enseignement de l’éducation physique quelques années plus tard. «Plusieurs de mes amis de jeunesse ont rapidement abandonné la danse, mais moi, ça m’a toujours suivi! J’aimais danser et performer et toutes les occasions étaient bonnes pour le faire», se remémore-t-il.

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Quand le Kola Blanca, un night club sur King Ouest a organisé des concours de danse, le jeune Romuald y a vu une occasion de se distinguer. «J’ai décidé de monter un duo avec Richard Turcotte, qui rapait, et notre ami Richard Marquis nous a fait un mix sur cassette. Dans le temps, il fallait couper et coller les bandes. Il y avait du travail là-dedans et on était originaux!» se rappelle-t-il. Confiants, les jeunes hommes se sont donc inscrits dans l’espoir d’atteindre leurs premières minutes de gloire. Il me raconte la suite en souriant: «Une troupe de professionnels de Montréal était descendue. En les voyant danser, on a tout de suite su qu’on se ferait écraser! On n’était clairement pas du même calibre! Mais on a fini bon 2e et ça nous a permis de nous faire remarquer ici.» 

S’en sont suivis quelques articles dans les journaux locaux. C’est ainsi qu’il a reçu un coup de fil pour lui offrir d’enseigner la danse à ce qui est aujourd’hui le Centre Multi Loisirs Sherbrooke. «J’ai dit oui, même si je n’avais jamais fait ça de ma vie! Je faisais aussi beaucoup d’animation dans les soirées, les mariages et les galas… Animation plus action, j’ai lancé Anime Action en 2001, c’est aussi simple que ça!» me résume-t-il en riant.

Survivre à la crise et revenir aux sources

L’école, qui ne comptait qu’un seul groupe à l’époque, a débuté ses activités dans les anciens locaux du studio Sankofa avant de déménager au Séminaire de Sherbrooke, puis au Salésien quand l’école a grossi. Au fil des ans, elle a ensuite migré à l’emplacement actuel du Sushi Taxi sur King Ouest, puis sur Dunant durant quelques années pour revenir sur King Ouest, dans les locaux de TVA, il y a quelques années. «On avait envie de revenir au Centro alors on a développé une entente avec le Collège Sacré-Cœur en septembre 2018. Cinq mois plus tard, on apprenait que le collège fermerait définitivement ses portes», se souvient-il. Je me rappelle d’ailleurs à quel point la nouvelle l’avait ébranlé. À ce moment, le Studio A2 venait de connaitre sa plus forte augmentation. Il comptait plus de 300 élèves et les cours occupaient simultanément trois studios. 

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Malgré les épreuves, il en fallait plus que ça pour venir à bout de la détermination de Romuald. Après beaucoup de recherche, l’école s’est installée dans les anciens studios d’Olab Yoga (qui avaient auparavant accueilli l’école de danse l’Arabesque); sur Belvédère Nord. Même s’il n’y a plus de cours depuis le printemps dernier, ses élèves les plus passionnés, membres des troupes de compétition, continuent de s’entrainer à l’extérieur. Quant à Romu, son cerveau bouillonne des nombreux projets qu’il aimerait réaliser au cours des prochains mois. Je sens bien toute sa fébrilité et son envie de revivre des événements de groupe, de produire des spectacles, d’animer, d’aller à la rencontre des gens et de retrouver le plaisir d’échanger… 

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Continuer à rêver… 

L’entrevue est théoriquement terminée. Frédéric, notre photographe, nous a quittés depuis un moment et nous avons troqué notre café pour une bière. Je l’observe, toujours à l’aise, comme à son habitude, peu importe où il se trouve! Il s’arrête pour saluer quelques personnes, souhaite bonne fête à un ancien élève, s’enquière des nouvelles de l’un tout en faisant les présentations. Je lui fais remarquer qu’il a vraiment un talent particulier pour rassembler les gens et les mettre en relation et il semble étonné de recevoir ce compliment. On continue à discourir, à rêver du après et à étayer des projets artistiques variés tout en évoquant des souvenirs; sans jamais voir le temps filer. Je finis par quitter mon ami, dynamisée par toutes ses belles idées, mais avec par-dessus tout l’envie de revoir Sherbrooke vivre, bouger… et danser! 

Pour plus d’infos sur le Studio A2, suivez leur page Facebook.

Pssst! Comme Romuald ne refuse aucun projet inspirant, on peut voir ses talents de comédien, aux côtés d’autres Sherbrookois, dans l’excellent dernier clip de David Goudreault et Ariane Moffatt «Le nouveau matériel».