A pizza : découvrir LA pizza new-yorkaise de Sherbrooke
J’ai récemment visité les gars derrière le comptoir, et l’idée, de la pizzéria A pizza, petite bâtisse coincée entre la Galt et la rue Olivier, adjacente au stationnement de la Taverne Alexandre. On a jasé pas mal, de beaucoup de choses, de show de luttes et d’Auschwitz, du CLSC Camirand et de trucks de lait réfrigéré. À travers tout ça, on a aussi parlé de ce qui a mené Michael Thifault et Ziv Przytyk à la création de leur pizzéria.
La rencontre
Il y a un peu moins de quinze ans, Mike et Ziv se rencontrent, eux qui semblaient d’ailleurs destinés, avec tous leurs amis communs, à tomber face à face. Alors que Mike fréquente le skate park Jarry à Montréal et que Ziv en est à sa deuxième édition du ShazamFest à Barnston-Ouest, ils étaient pourtant à des lieux de se croiser.
C’est justement le skate, et un ami en commun, qui amènera Mike et le groupe de skateux au Shazam pour une performance. L’amitié entre les deux en est à ses balbutiements. Beaucoup de sujets les rassemblent. Tous deux sont, d’un bord, enfant d’immigrants. : la mère de Mike est Italienne, le père de Ziv est Polonais. Tous deux croient en la communauté et au pouvoir de la collectivité. Tous deux baignent dans le monde artistique, véritables « touche-à-tout » créatifs. Mike est en effet dj et chef pizza chez Adamo’s à Montréal. Zyv, de son côté, a enchaîné plusieurs projets créatifs et travaille au succès du Shazam, un des rares festivals québécois qui (re)fêtera ses 15 ans cet été (chut! Ils ont eu 15 ans en 2020, mais ils le célèbreront comme il se doit idéalement lors de la prochaine édition). Ce dernier se rappelle avec plaisir le premier contrat payant qu’il a mené, à 13 ans, alors qu’il présentait avec un ami un spectacle de marionnettes dans les parcs montréalais. Donc, ces deux esprits se rencontrent et la collaboration commence officiellement quelques années plus tard.
Le projet de la pizzéria
L’idée d’ouvrir une pizzéria est née d’abord d’un prétexte pour Mike de quitter l’île. Le projet avait aussi comme motivation de créer un lieu de rassemblement, de rencontres, tout simplement. On peut certes imaginer comment cette idée folle aurait pu survenir autour d’un feu lors d’une soirée à jaser : « Le fun, c’est pour l’inspiration. Après, il faut le faire. » dit Mike et c’est justement ce qu’il fera, avec son acolyte et d’autres partenaires.
Malheureusement, en plein cœur de la mise en place de la pizzéria, des investisseurs quittent le projet. Le noyau est fort et les deux amis poursuivent et réussissent, non sans avoir à relever des défis (trouver un four à pizza, par exemple), à ouvrir leur restaurant A pizza au début de 2019. Le confinement de 2020 aura donné du fil à retordre, alors qu’une belle croissance se faisait sentir.
Une place dans le quartier, dans la communauté
Entrer chez A pizza, ce n’est pas simplement entrer dans un restaurant, c’est aussi entrer dans un lieu. Un endroit avec une âme. Colorée, musicale et humaine. S’installer dans le quartier Alexandre semblait aller de soi, Zyv connaissait depuis longtemps le coin, sa mère était d’ailleurs médecin au CLSC Camirand où elle a travaillé à mettre en place des services pour les personnes vivant en situation d’itinérance. La bâtisse était à ses parents, elle avait accueilli jadis une amie à eux, Jackie, et son Singin’ goat. C’était l’endroit tout indiqué.
La communauté se construit alors autour de la pizzéria, et vice versa. Pendant l’hiver 2019, le resto a accueilli des jam-sessions les vendredis soirs, dont les enregistrements sont disponibles sur la chaîne youtube d’A pizza. On me dit d’ailleurs que ça reprendra dès que ce sera possible. C’est donc dire que la pizza est presque qu’accessoire dans ce projet de communauté et de rassemblement. Il ne faut par contre pas la négliger! Des visiteurs font la route pour venir goûter à cette pizza typiquement new-yorkaise, comme il s’en fait peu dans la région. Mike le dit d’ailleurs avec fierté : « La meilleure pub que nous ayons, c’est quand les gens y goûtent. »
Une pointe au suivant
Une particularité de ce resto est aussi qu’il est possible d’acheter tout simplement la pizza à la pointe au coût de 3$ ou encore de 5$ pour les calzones (sorte de pizza pochette) et qu’il est même possible d’acheter « une pointe au suivant » pour payer un p’tit repas chaud à une personne dans le besoin. Sur le babillard, plusieurs pointes gratuites sont affichées. Pour les deux propriétaires, ce concept n’était pas à discuter, tellement leur désir de redonner ce qu’ils peuvent et de venir en aide fait partie de leur conception même de l’entrepreneuriat. Pendant l’entrevue, quelqu’un est effectivement reparti avec quelques pointes congelées, mises de côté et redonnées, car le gaspillage n’est pas envisageable (dommage collatéral de la vente à la pointe). Les propriétaires s’étonnent pourtant encore de voir que ce sont les petits commerces qui font cela, alors que la richesse gagnerait à être distribuée un peu plus.
Sherbrooke gagne certainement à découvrir cette pizzéria, que ce soit pour goûter à une des meilleures pizzas qui soient ou pour soutenir le projet généreux de ces deux hommes créatifs.