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Entrevue au Loubard avec Serge Paquin

PAR:
Philip Bastarache

À tous ceux pour qui la politique municipale est aussi l’fun qu’un match de pétanque, qui n’en voient pas l’utilité, ou pour qui la chose sonne trop « Gilles Vaillancourt », je rétorque que c’est parce que vous ne connaissez pas Serge Paquin. En fait, si on pouvait choisir notre famille, Serge trônerait à égalité avec Stallone, Schwarzenegger et Chuck Norris dans mon palmarès des oncles les plus cool avec qui j’aurais voulu jouer à « Guesstures » lors du dernier party de Noël. Et quand je dis oncle, je ne parle pas du pathétique stéréotype mononcle bedonnant un peu vicieux qui passe son temps à raconter des jokes de cul. Attention!

OK. J’en mets peut-être un peu. La politique municipale n’a jamais été quelque chose de palpitant pour le commun des mortels, même lorsque Schwarzenegger était gouverneur. Probablement que mes lointaines origines basques – de fier pêcheur – me poussent à exagérer certains faits, comme on le fait traditionnellement avec les histoires de pêche. Mais une chose est certaine à propos du très sympathique Serge Paquin; il n’est pas le genre d’homme qui se laisse avoir par n’importe quel petit « boss des bécosses ». Si vous avez déjà assisté à une séance du conseil municipal sous sa gouverne, vous savez de quoi je parle. Une main de fer dans un gant de velours comme disent nos vénérables grand-mères.

Ça fait maintenant une vingtaine d’années que Serge et ses acolytes tentent de redonner vie au centre-ville. Au début, le quartier était le Far West de Sherbrooke; le fief des bars louches, du crime organisé et il fallait un cow-boy à la couenne dure pour remettre de l’ordre dans ce chaos imprégné d’une morosité tenace. C’est là que Serge est arrivé. Peu de gens partageaient alors son espoir de revitalisation. Quelqu’un de connu avait même osé dire qu’investir de l’argent dans le quartier, c’était comme donner du sang à un cadavre! Aujourd’hui, cette personne est député de Sherbrooke et a ses bureaux sur la rue Marquette. Comme quoi, il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée.

Nous sommes donc attablés au Loubard, le saloon de prédilection du « cow-boy » en question. Autant le personnel que certains clients l’abordent comme si c’était un ami de longue date (ce qui est probablement le cas). Une jolie et plantureuse rouquine nous amène une Stout et une Lager. L’interview commence. « Quelle est ta plus grande fierté, Serge, parmi le travail accompli ces dernières années? » Il ne tarde pas à dégainer sa réponse : « c’est d’avoir ramené des gens à habiter au centre-ville », me dit-il. Il cite en exemple l’édifice Continental (là où l’on retrouve le fabuleux Chanchai et le très « hype » Caffuccino) dont les espaces à bureaux désertés ont été remplacés par des logements. Il me parle du Sherbrooke Trust, de l’ancienne usine Kayser… Bon, des personnes âgées pour ce dernier, « ce n’est pas l’apport le plus dynamique au centre-ville reconnaît-il, mais ça a permis d’héberger le Musée de la nature et des sciences du même coup. […] On assiste maintenant à l’émergence de plusieurs commerces de destination et le centre-ville fait tranquillement son nid comme pôle culturel de la ville ».

Question suivante. « Ton parti souhaite d’ailleurs que ça aille plus loin. Une des propositions de l’Équipe Sévigny consiste à offrir une mise de fonds aux gens désirant construire, rénover ou agrandir des immeubles sur le territoire élargit du centre-ville. Le programme inclut les coopératives par contre. N’y en a-t-il pas déjà en abondance? C’est sans compter tous les logements sociaux qu’on y a construits durant les dernières années. N’aurait-il pas été plus avantageux d’essayer de privilégier les habitations en copropriétés dans le but de diversifier un peu le tissu social du centre-ville? » On n’apprend pas à un vieux singe comment faire des grimaces; notre caïd tente de remettre les choses en perspective. « Au contraire. Les coopératives ont amélioré la qualité des immeubles. Une sélection se fait parmi les locataires et ceux-ci entretiennent leur terrain et leur immeuble. Le programme ne touche pas les logements sociaux. […] Le projet Accès Condo à Montréal, dont on s’est inspiré, a été un succès. Là où je suis fier, c’est qu’ici, on veut inciter le « multifamiliale » et pour être éligible au programme, le propriétaire devra résider sur les lieux. […] On offrira aussi des crédits de taxes allant jusqu’à 5 ans ».

« Crois-tu, Serge, que ton adhésion à l’Équipe Sévigny ait influencé le programme électoral du parti? » « J’ai proposé l’idée de la mise de fonds. Mon adhésion va d’ailleurs nous permettre d’avancer dans le dossier de la revitalisation du centre-ville », m’assure-t-il.

Laissons maintenant de côté le baratin politique. Surprends-moi Serge, « quel est le secret le mieux gardé du centro? » Après une réflexion aussi approfondie que si je lui avais demandé de me résoudre un sudoku, il me répond que ce serait la chapelle Osias Leduc, située dans l’Archevêché. Bien joué. Je n’ai effectivement jamais entendu parler de cette chapelle! Selon lui, on y trouve certaines œuvres de l’illustre peintre. Il faut avouer par contre que la cathédrale et l’archevêché ne sont pas dignes d’un prix d’excellence pour leur mise en valeur. « [Les responsables de l’archevêché] ont des projets d’aménagements autour de l’immeuble et veulent rendre le lieu plus accessible. Ils devraient faire des annonces publiques au cours des prochains mois » dit-il.

Il me demande à mon tour quel est le secret le mieux gardé du centre-ville. Ça me brûlait les lèvres depuis le début de l’entrevue de glisser ma demande de citoyen. J’ai donc profité de sa question. « Tu sais, j’adore le spectacle visuel qui a été créé dans la gorge de la rivière Magog, mais vous avez du même coup condamné la partie la plus coquette du sentier à mon avis : celle située entre le belvédère Koatek et la prison Winter. Vous avez enlevé les escaliers pour y accéder ». Serge se confesse : il n’a pas la moindre idée de quel sentier je parle. Peut-être n’y est-il jamais allé. Mais il se fait rassurant, m’informant du haut fait de sa nouvelle affectation au sein du conseil d’administration de Destination Sherbrooke, l’organisme responsable du tourisme à Sherbrooke, dont l’aménagement des gorges. Ma demande est donc lancée et ça n’aurait pas pu mieux tomber! Vous me remercierez quand le secteur rouvrira.

« Quel est, selon toi, Serge, l’endroit où l’on retrouve le plus de potentiel au centre-ville? » La réponse semble pour lui évidente « la rue Wellington Sud ». Mais ou est donc le potentiel dans ce fossile du nigthlife sherbrookois? Selon lui, l’effervescence que l’on retrouve au nord devrait traverser la rue King tôt ou tard. D’ici là, on devrait y accroître la qualité des logements et essayer de trouver une sorte de catalyseur pour réanimer le secteur. La salle de dimension intermédiaire adjacente au CASJB pourrait faire partie de la solution. Dans un monde idéal, on y trouvera éventuellement des commerces de proximité et la vie reprendra.

Je ne suis pas urbaniste, mais une question me vient inévitablement à l’esprit; « on va attirer plus de monde au centre-ville. Ils ne prendront pas tous le bus (quoique ce serait bien). Que fait-on pour la question du manque de stationnements? » « On devra éventuellement en ajouter », me dit-il. Peut-être un stationnement étagé? Personnellement, je suggère de remplacer les rues de la ville par des tapis roulants pour enrayer les problèmes de congestion automobile, de stationnement ainsi que des nids-de-poule. Je n’ai pas osé lui en parler par contre, de peur qu’il me réponde que la slush risquerait de bloquer les engrenages en hiver…

On a donc des projets d’avenir prometteurs pour le centro. Rendez-vous dans quelques années pour voir si l’arbre aura donné des fruits. D’ici là, un Serge Paquin résolument décidé est là pour l’arroser!