Visages du Centro

Daniel Quirion, l’architecte visionnaire du Centro

PAR:
Marie-Cristine Pachès

Ils sont impliqués et ne cherchent pas à être le centre de l’attention. Ils souhaitent créer du beau et du bon pour que nous puissions profiter d’un milieu de vie dynamique et vivant. Ce sont ces visages que nous croisons tous les jours au cœur du centre-ville. Chaque mois, grâce à notre chroniqueuse, vous aurez la chance de découvrir les visages du Centro. Ces personnes qui croient au développement du centre-ville et qui y contribuent à grands coups de passion et d’amour!

Au moment de rédiger ce deuxième portrait, le Centro était désert; les boutiques et les restos fermés… Comment, dans ces circonstances, trouver une belle histoire à vous raconter? C’était un cas de force majeure, ça prenait un Daniel Quirion! Je l’ai donc joint et on s’est donné rendez-vous dans SON Séminaire de Sherbrooke: là où il a étudié, fondé le programme collégial de technique d’architecture en 2010, enseigné et, évidemment, «architecté»! Car Daniel est l’architecte du Séminaire, mais aussi, bien souvent, celui de Sherbrooke. Avec son cabinet, il a participé à tous les appels d’offres des grands projets de la ville. Le coup de fraîcheur de Wellington-sur-Mer, c’est lui! Le nouveau look du pont des Grandes-Fourches aussi, mais des projets pour Sherbrooke et son Centro, il en a toujours eu des tonnes. Rencontre avec cet architecte, athlète et papa coloré, passionné d’urbanisme, d’histoire et de patrimoine! 

Un nouvel espace pour les jeunes du Séminaire

À peine arrivés, il sort à notre rencontre, tout sourire. Nous avions convenu de faire le tour de ses endroits chouchous du Séminaire et on commence par la cour intérieure; un de ses derniers projets. L’ancien stationnement, repoussé un peu plus loin, a fait place à un magnifique espace que les jeunes peuvent s’approprier. Tout en découvrant les lieux à travers ses yeux, je commence à le questionner: «T’es un gars de Sherbrooke, toi, c’est évident!». «De Fleurimont et j’y habite toujours!», me répond-il, instinctivement. Cette nuance me fait sourire, moi qui ai été au cœur d’anciennes guerres de clochers à une autre époque. Toutefois, pour Daniel, Fleurimont c’est Sherbrooke et Sherbrooke est un grand village, son village! 

Des souvenirs plein la tête

«J’ai grandi ici et j’ai des souvenirs liés à une foule d’endroits, mais ma jeunesse, c’était l’aréna de Fleurimont! J’y étais toujours, à naviguer entre baseball et hockey et c’est même là que j’ai rencontré ma blonde il y a 25 ans! Le Centro, c’était les commissions avec mes parents au People, au Greenberg et chez Béatrice. Plus tard, c’était mes visites chez Mélodie, Musique Cité et les heures passées au SportMania. J’étais quand même sage, j’étais un geek collectionneur de timbres et je n’osais même pas aller à l’arcade!», me confie-t-il amusé de sa propre candeur.

Un petit gars de la ville donc, qui a fait son secondaire au Séminaire et qui a toujours gardé un attachement particulier pour l’endroit. On le ressent dans son profond désir de concevoir des endroits que les étudiants vont s’approprier, où ils voudront vivre, créer et se développer. «Quand je viens courir ici la nuit et que je vois un jeune pratiquer ses lancers pour profiter des installations alors qu’il n’y a pas un chat, je me dis que j’ai réussi ma mission; qu’ils ont fait de cet endroit le leur… C’est tellement mieux qu’un parking!», m’explique-t-il avec enthousiasme.

20 ans de passion, 20 ans de projets!

Avec les joues rouges, on se dirige vers l’entrée principale pour poursuivre notre visite guidée. Ici, tout le monde connait Daniel! Comme il vient de faire quelques sorties médiatiques au sujet du pont des Grandes-Fourches, on ne manque pas d’aborder «la star du moment»! «C’est quand même fou! À la base, je ne devais même pas participer à ce projet, puis les choses se sont enchaînées.» m’avouera-t-il.

On comprend rapidement que, quand il s’agit de Sherbrooke, Daniel est incapable de dire non. Pas pour rien que la Ville fait appel à lui à titre de consultant depuis 20 ans. «Le secteur Grandes-Fourches, l’ancienne gare, la prison Winters, Wellington Sud, la dynamisation du Centro qui passe par une offre de logements intéressante, tout ça, c’était déjà dans mes travaux étudiants, j’avais des tas de maquettes! Il faut laisser du temps aux changements, mais je suis un optimiste, un homme de foi et j’ai foi en mon Centro.»

Il me montre en riant un vieil article de La Tribune qui titre «Un grand amour qui ne veut pas mourir!» au-dessus d’un Daniel fraîchement sorti de l’école. Non, son amour de Sherbrooke ne risque pas de s’essouffler. Même s’il a voyagé dans tous les coins inspirants du globe, parfait sa formation à Montréal d’abord, puis à Paris, Milan et Barcelone, il est vite revenu au bercail. «Dans mon album de finissants, mes amis ont écrit que j’étais un architecte de renommée municipale, c’est pas mal moi ça!», lance-t-il, loin de s’en formaliser, au contraire!

Au fil des ans, il a appris comment rallier les gens, où aller chercher les appuis et il a vite reconnu l’importance vitale de la participation citoyenne dans les grands projets municipaux. Comme il le dit si bien: «Un architecte, c’est en fait un chef d’orchestre qui se doit de comprendre un besoin et capter les désirs, puis de coordonner le travail de tous pour offrir une réponse pertinente, un milieu de vie réfléchi.» Et on peut dire qu’il connait la musique!

Les trésors architecturaux d’ici et d’ailleurs

Dans la bibliothèque du Séminaire, dixit le plus bel espace architectural de Sherbrooke, on ressent bien son amour et sa passion pour les beaux espaces. Avec son costume bleu royal «qui matche parfaitement avec les vitraux!», il attire notre attention sur une foule de détails. «Quand je voyage, je fonctionne de la même façon: je vide la ville. Je la parcours et je tente de voir tout tout tout ce qu’il y a à voir, de toutes les façons! Je veux comprendre les aspects géopolitiques, géomorphologiques et même ses côtés ludiques.

Étudiant, j’avais le livre de Taschen qui compile les plus beaux endroits du monde. J’ai décidé de tout visiter, tout cocher sur ma liste! J’ai commencé par un road trip de trois mois avec ma blonde, en Civic, à travers les États-Unis avant qu’on revienne s’installer à Sherbrooke. Ensuite, on s’est toujours arrangés pour voyager, c’était un choix de vie. Ce que j’aime aussi, c’est faire des marathons dans des endroits qui font du sens pour moi. Courir pour courir, c’est pas intéressant, mais courir au milieu des gratte-ciels de Chicago ou passer à côté de la tombe de Jésus à Jérusalem, ça c’est un feeling!»me décrit-il.

S’approprier sa ville pour mieux la redessiner

C’est dans cette optique qu’il fait de même avec Sherbrooke: «Ma ville, je la cours, je la traverse à vélo, à moto, en ski ou à pied. Je la parcours et je l’observe; je discute avec les gens, j’en prends le pouls.» Je n’ose pas lui demander s’il dort encore parfois, mais j’en viens à en douter! Entre ses trois enfants, sa vie de couple, son travail, son enseignement et ses engagements multiples dans le temps (la vice-présidence de la Chambre de commerce de Sherbrooke, le MBAS et la Société d’histoire de Sherbrooke, la Société de sauvegarde de la vieille prison, Habitat pour l’humanité, UPOPS et les CreativeMornings, pour ne nommer que ceux-là), on comprend pourquoi il est devenu marathonien! À son cabinet, Jubinville et associés, une centaine de projets menés de front se disputent quotidiennement son attention; dont une quinzaine au Centro. 

À cœur vaillant, rien d’impossible!

On monte dans la section des livres rares de la bibliothèque, qu’il a dessinée à l’époque de son mariage, et il nous décrit toute la réflexion derrière l’œuvre qui est devant nos yeux. «On est de passage sur terre, alors quand on laisse des traces, qu’on crée ou modifie des espaces, il faut être pertinent, avoir l’honnêteté d’être de son temps et être ludiques, quand on le peut! On me confie souvent des projets parce que je dois être le seul fou qui accepte des mandats impossibles! Mais quand il est question de Sherbrooke, c’est plus fort que moi, je me sens concerné, je veux au moins essayer; quitte à me tromper.»

Notre visite culmine au dernier étage de la tour, là où dorment encore certains objets qui étaient exposés au musée. Entre les radiographies du Géant Beaupré et un vieux métier à tisser, on continue d’échanger sur ce qui l’anime. Je le regarde comparer sa taille à celle du géant en citant tour à tour sa maman et les Cowboys fringants et je me dis qu’on n’a pas besoin de mesurer deux mètres et demi pour être un grand homme.

Tout au long de cette rencontre, Frédéric, mon acolyte photographe, et moi avons été subjugués, tant par les lieux et les trésors que recèle le Séminaire, que par les récits de notre hôte. Nous ressortons de notre visite, alors que le ciel s’est rempli de flocons et nous partageons cette même conviction… Si quelqu’un peut aider à dynamiser notre Centro et à en refaire le cœur de Sherbrooke, un endroit où il fait bon vivre, s’alimenter et se divertir, c’est assurément Daniel Quirion!