Portraits du Quartier Alexandre : Jean-Claude Reinbold
Originaire de Belgique, le propriétaire de la boulangerie La Mie de la Couronne, Jean-Claude Reinbold, a ouvert son commerce en 1996.
Loin d’être prémédité, ce projet est presque arrivé par surprise. En fait, peu de gens, lui le dernier, auraient cru qu’il fonderait un jour une telle entreprise. C’est qu’avant de devenir boulanger, M. Reinbold œuvrait dans d’autres domaines. Eh non! Il n’a pas été l’apprenti d’un maître boulanger en Belgique ou en France. Ce qu’il a appris en Europe, c’est plutôt l’électromécanique et les sciences humaines. Ce parcours l’a mené à exercer plusieurs métiers à travers les années : professeur de 4e année, agent immobilier et contremaître.
Cependant, en 1995, sa vie prit un tournant inattendu :
« Je me suis retrouvé sans emploi avec un certain montant d’argent. Et puis là, j’ai pris un peu de temps libre et j’ai commencé à faire du pain pour le plaisir, le samedi dans la cuisinière et à en donner ou en faire goûter aux voisins et à la famille ».
N’étant au départ qu’un simple passe-temps, cette nouvelle passion s’est rapidement transformée en opportunité :
« Je passais pratiquement tout mon samedi à cuire 50 ou 60 pains pour les voisins à gauche et à droite. Puis, je me suis dit qu’il devait y avoir quelque chose à faire avec ça, parce qu’il n’avait pas de boulangerie artisanale à Sherbrooke ».
Inspiré par ce constat et empressé d’ouvrir une entreprise, il rencontra le fondateur de la boulangerie artisanale le Fromentier à Montréal, Benoît Fradette, afin d’en apprendre davantage sur le métier et obtenir des conseils. Quelques mois plus tard, il était de retour à Sherbrooke. Il ouvrit son commerce au 74 rue Alexandre.
Au départ, il assumait la totalité des tâches :
« Au début, je faisais 30 ou 40 pains par jour et j’essayais de les vendre. S’ils n’étaient pas vendus, je les congelais. J’étais tout seul, je faisais les pains la nuit, j’allais dormir, je faisais les ventes le matin, je fermais l’après-midi, j’allais dormir. Progressivement, j’ai engagé une personne pour la vente, une personne pour m’aider à la boulangerie et c’est ainsi que tout a commencé ».
Aujourd’hui, le succès de son entreprise lui permet d’engager huit employés : des boulangers, des pâtissiers, des commis de vente et un livreur. Les 700 pieds carrés du 74 rue Alexandre ne suffisant plus, en 2013, le commerce dû déménager dans un plus grand local (2000 pieds carrés), situé au 52 rue Alexandre.
Du comptoir à la distribution
À ses débuts, l’entreprise n’effectuait que la vente au comptoir. Ceci la distinguait de la Boulangerie Dufeu (ouverte en 1997 à Sherbrooke) qui se concentrait davantage sur la distribution. Par contre, lorsque les ventes du commerce ont plafonné, Jean-Claude décida de distribuer ses produits à l’extérieur. Ce fût un succès, car ce créneau représente aujourd’hui environ 35% de son chiffre d’affaires.
Les clients de la Mie de la Couronne sont des restaurateurs, des commerces de détail (Grande Ruche, Coopérative Alentour) et des établissements hôteliers comme le Manoir Hovey. L’entreprise étend ses activités jusqu’à Granby et Danville. Jean-Claude s’implique également dans les dîners annuels de la Société Canadienne du Cancer et Les Grands Frères et Grandes sœurs de l’Estrie en plus d’être est partenaire du projet Frigo Free Go.
Le commerce offre une variété de pains, des baguettes, des bagels, des croissants, des chocolatines, des amandines, des chaussons, des biscuits, des fougasses et des sandwichs.
« Nous vendons surtout du pain multigrain, des blancs, des avoines que les gens utilisent pour leurs sandwichs, pour le quotidien. Le vendredi et le samedi, on ajoute des pains plus spéciaux comme du pain au mais, du pain aux noix de Grenoble, du pain au fromage, du pain de seigle et du pain aux olives. »
Des pains au levain
Tous les pains de l’entreprise sont au levain, une bactérie naissant dans un mélange d’eau et de farine. Comparativement aux pains à la levure (plus communs), ceux-ci sont meilleurs pour la santé parce qu’il n’est pas nécessaire d’ajouter du sucre pour faire monter la pâte, le levain suffit.
Le levain de la Mie de la Couronne se distingue par sa qualité :
« Le levain que nous utilisons est unique parce que c’est la même souche que nous nourrissons depuis 21 ans. Quand on sait qu’un levain se bonifie, se renforce avec les années, peu de boulangeries peuvent se vanter d’un tel avantage. De plus, en se bonifiant, on perçoit moins ce goût de vinaigre qui n’est pas toujours apprécié. En Europe, il y a des levains qui ont 50, 60, 70, même 100 ans. »
Le choix de la rue Alexandre
Jean-Claude a ouvert sa boulangerie sur la rue Alexandre non parce que les locaux commerciaux étaient moins chers, mais parce qu’il avait une belle image du quartier qu’il a découvert en 1986 :
« C’était une rue intéressante, il y avait des artisans, il y avait une pâtisserie, il y avait le Loubards et toutes sortes de restaurants et de commerces qui lui donnaient une certaine couleur ».
Quand il a fondé son commerce dix ans plus tard, il n’avait pas conscience que le caractère du quartier avait changé. Malgré la présence occasionnelle « d’une drôle de faune la nuit », il n’a jamais regretté son choix. Son local, situé entre la King et l’École Sacré-Cœur, est près du lieu de travail de nombreux professionnels qui constituent une clientèle idéale. Selon lui, le quartier n’est pas en train de dépérir, bien au contraire :
« Il y a le El Tabarnaco qui a ouvert, ça c’est déjà quelque chose d’original, d’intéressant, c’est différent. Il y a Fleur de Vie et Les Zerbes Folles. On dirait que la revitalisation veut s’installer. »
Plusieurs commerçants du quartier s’entraident, une pratique que Jean-Claude encourage fortement. La Mie de la Couronne vend d’ailleurs son pain au Café Général, au Café Singing Goat et à la Folle Théière. Lorsque les clients cherchent du pain sans gluten, il les réfère au P’tit Local.
« On ne peut pas tout faire et on ne peut pas plaire à tout le monde alors autant garder les gens dans le quartier et les envoyer où ils vont trouver ce qu’ils ont besoin ».
Les atouts du quartier
Jean-Claude croit aux atouts de la rue Alexandre et de son quartier : les bâtiments de la rue sont relativement en bon état, il y a des bacs à fleurs, des bancs, des parcs, il n’y pas de parcomètres et il y a souvent de la place pour se stationner :
« Il faut changer l’image de la rue, la faire connaître comme une rue intéressante, une rue où il y a une variété de commerces complémentaires ».
Il croit également qu’une aide de la Ville pourrait contribuer à cette amélioration. Celle-ci s’est déjà impliquée notamment en décorant la rue pour la période des fêtes et en plantant des arbustes près du pont ferroviaire à l’angle Galt et Alexandre.
Le futur de la boulangerie?
Après plus de 20 ans de travail, Jean-Claude est à la recherche d’une relève. Il croit que son commerce peut encore prendre de l’expansion en développant de nouveaux points de vente à Sherbrooke et à l’extérieur et en multipliant la participation de l’entreprise à des événements comme Bouffe ton Centro et le Salon des découvertes savoureuses.