Gastronomie

La République démocratique du Jambon : s’allier pour monter au front!

PAR:
Marie-Cristine Pachès

Bien que le Marché de la Gare n’ait jamais fermé ses portes depuis le début du confinement, les marchands ont vite réalisé que l’achalandage ne serait plus le même pour les semaines à venir. En effet, dès les premières annonces à la mi-mars, le chiffre d’affaires moyen des commerçants a chuté environ de moitié.

Dans ce contexte, il fallait rapidement trouver une solution. L’objectif était de maintenir un lien avec la clientèle, tout en s’assurant de mettre en place les mesures sanitaires appropirées, et ce, particulièrement pour les personnes âgées, plus vulnérables face à la COVID-19.  « C’était évident pour nous qu’on n’allait pas faire de publicités en disant  »venez nous voir, nous sommes ouverts », alors que le mot d’ordre était de rester chez soi », m’explique Sébastien Meunier, président de la République démocratique du Jambon (RDJ). J’en profite d’ailleurs pour le questionner au passage : pourquoi cette transition vers la RDJ?  Vendent-ils toujours les saucisses William J. Walter?

La « République »

En écoutant Sébastien me parler de l’évolution de son commerce, je comprends que oui, il y a toujours les produits du saucissier, dont la réputation n’est plus à faire. Cependant, l’entreprise a pris beaucoup d’ampleur depuis sa création. Ainsi, ce qui fait l’essence de la RDJ, ce sont tous les produits transformés issus de recettes maison et du travail de la charcutière : le bacon, bien évidemment, mais aussi les jambons et charcuteries, rillettes, magrets et autres délices.

Le commerce propose également une belle sélection de produits de l’Estrie, de bières des microbrasseries environnantes et de vins québécois. Curieuse, car on sait que je suis amatrice de bonheur liquide, je le questionne davantage à ce sujet et j’apprends que, Ô joie!, on devrait voir apparaître de plus en plus de vins natures d’ici sur les tablettes.

« J’ai ouvert un kiosque-restaurant l’automne dernier, au Central, en plein coeur du quartier des spectacles à Montréal et j’ai pu constater l’engouement grandissant pour les vins nature. Là-bas, j’avais beaucoup de produits d’importation, mais ici, je veux vraiment miser sur le local », m’explique le commerçant qui me parle du point de vente montréalais au passé, car il a malheureusement dû être fermé jusqu’à nouvel ordre.

Le kiosque-restaurant de la RDJ, au Central

Par ailleurs, la création d’une « République » offrait d’innombrables possibilités à son président; un touche-à-tout qui ne manque pas d’idées, d’originalité et qui aime s’amuser avec le marketing et les images quand vient le temps de promouvoir son entreprise. « Depuis un moment déjà, je mise tout sur Facebook et je constate que la réponse est excellente. Les gens d’ici sont très peu réactifs sur les réseaux sociaux, mais l’achalandage en magasin me prouve que les messages sont vus et que les clients sont à l’affût de mes promotions », me confie Sébastien.

Exit les arc-en-ciels

En ces temps de COVID, j’ai d’ailleurs moi-même pu constater que les publicités de la RDJ détonnaient dans ce monde d’arc-en-ciels et j’avoue que ce n’était pas pour me déplaire! Images de guerre d’archives, couleurs sombres, ton militaire… on est bien loin des licornes! Je questionne donc ces choix audacieux, mais ma foi rafraîchissants! « Pour nous, dès le début, on s’est mis en mode guerre. On faisait face à un ennemi invisible, mais il fallait être prêts, lever les barricades, rassembler les unités et préparer le largage des denrées. Tous les propriétaires et les employés du marché sont relativement jeunes, alors on allait être au front! On ne se retrouvait pas du tout dans cette avalanche d’arc-en-ciels, alors on a donné notre couleur à cette grande opération. »

La réponse a été plus que positive et instantanée, et ce, bien que le service ait été fait avec les moyens du bord. Les gens appelaient pour passer des commandes, les proprios faisaient le tour des boutiques pour assembler les denrées, puis allaient « larguer » eux-mêmes le tout sur les balcons des clients les mercredis. Toutefois, on peut aujourd’hui faire deux constats que je qualifierais d’inquiétants en analysant les opérations des dernières semaines.

Premièrement, ce sont principalement les familles qui ont utilisé ce service. Ainsi, les personnes plus âgées et vulnérables que les marchands auraient souhaité protéger grâce à ce service n’y ont pas du tout adhéré. Ensuite, dès l’annonce faite par le Premier ministre le 1er mai dernier, concernant la réouverture des écoles primaires, les gens se sont précipités au Marché de la gare, comme si toutes les règles avaient été abolies. Cette première fin de semaine de mai en sera donc probablement une record qui pourrait même dépasser les chiffres de ventes de l’an passé… Une excellente nouvelle pour nos marchands qui ont connu des jours plus difficiles, mais une nouvelle qui préoccupe quand même la citoyenne inquiète en moi.

Néanmoins, tous s’entendent pour dire que la crise aura une incidence sur les habitudes de consommation de nombreuses personnes. Ainsi, la RDJ offrira désormais un site transactionnel pour faciliter les achats et encourager la distanciation sociale. Pour l’instant, et tant que la demande sera là, les marchands poursuivront les opérations de l’unité de largage. Enfin,ils maintiendront les mesures d’hygiène supplémentaires mises en place dès le début et tous sont fins prêts pour accueillir la nouvelle vague de clients qui devraient être attirés par les beaux jours et l’ouverture du marché extérieur prévue le 20 juin prochain. Entre temps, on ne peut que souhaiter la pérennité de cette entreprise d’ici, car après tout, le bacon, c’est la vie! 😉