Art Et Culture

Sherbrooke, ville de cinéma

PAR:
Marie-Anne O'Reilly

L’annonce en décembre dernier de l’arrivée du tout nouveau Festival cinéma du monde de Sherbrooke (FCMS)  a tout pour réjouir les amateurs du 7e art. Il faut dire que nous avons toujours été gâtés au centre-ville avec la Maison du cinéma et son imposante programmation, qui accueille tant les succès du box-office hollywoodiens que les films québécois, français et étrangers. Une sélection à laquelle on a rarement accès ailleurs, surtout en région. Bonne nouvelle donc, que ce petit nouveau dans le paysage cinématographique, qui verra le jour en avril prochain avec sa première édition.

Bien souvent éclipsée par les géants de la métropole, on oublie souvent que l’histoire cinématographique de Sherbrooke a plus de 100 ans, avec le centre-ville en guise d’épicentre. C’est en effet en 1910 que le Cinéma Premier ouvrait ses portes sur la rue King. À cette époque, Mack Sennett, qui était originaire de Richmond, a fait à quelques occasions l’honneur d’y présenter ses films en première canadienne. Sherbrooke, ville de cinéma, existait déjà au début du siècle.

Le site du Cinéma Premier sera d’ailleurs préservé jusqu’à l’ouverture de l’actuelle Maison du cinéma en 1985, qui comptait alors… 2 salles. Devenue depuis un véritable pilier culturel du centre-ville, cette nouvelle adresse deviendra rapidement le plus grand établissement de cinéma indépendant au Québec. Que les grincheux qui se plaignent qu’il n’y a jamais rien en région aillent se faire voir ailleurs…

On en profite donc ici pour remercier au passage son fondateur, Jacques Foisy, « l’homme qui plantait des salles », et ses successeurs depuis 2011, la famille Hurtubise-Hensen, de nous avoir permis depuis toutes ces années de goûter à autre chose que les gros canons américains et d’avoir cultivé dans la région un intérêt pour la discipline.

Dans cette lignée, il n’est pas étonnant que La Maison du cinéma soit le partenaire de premier plan du FCMS. Et on se réjouit d’avance de pouvoir savourer la programmation riche et diversifiée que promet le festival dans les meilleures salles de la région. On se délecte déjà à la pensée de cette nouvelle variété de films de toutes origines, des connus et des moins connus, de ces nouveaux réalisateurs à découvrir, des bijoux rares qu’on n’aurait jamais espéré qu’ils se rendent jusqu’à nous. Voilà, ce sera maintenant chose faite. Et on ne peut que se croiser les doigts sur le succès de cette première édition afin que le FCMS nous revienne dans les années à venir.

Mais le cinéma ne s’arrête pas là au centre-ville. Il prend depuis plusieurs années une autre ampleur, qui dépasse les salles de projection des lieux habituels. Si l’on prolonge juste un peu plus loin sur la rue Wellington Sud, la salle du Tremplin organise depuis l’année dernière les Ciné-rencontres, qui accueillent des films récents du répertoire québécois, offrant au public la chance de revoir ces œuvres qui demeurent bien souvent trop peu longtemps à l’affiche. Mais plus encore, c’est une occasion d’échange avec les réalisateurs et les artisans de ces productions. Précédées d’une classe de maître à l’intention des réalisateurs de la région, suivies d’une discussion avec le public après la projection, ces rencontres enrichissantes sous tous les points sont une expérience inestimable pour tous ceux qui y participent, en plus d’offrir une plate-forme de formation pour les artistes d’ici. Le 24 janvier, c’étaient le réalisateur Martin Laroche et la comédienne Marie-Evelyne Lessard, tous deux originaires de Rock Forest, qui ont présenté Les Manèges Humains et leur expérience de tournage pour cette production indépendante qui a été réalisée avec un petit budget. (Mais qui se trouve tout de même en nomination pour quatre prix Jutras!) Une soirée intimiste, riche de nombreuses discussions autour de ce film aussi touchant que troublant sur le thème de l’excision. Le 27 février, c’est au tour de Mathieu Roy de venir à la rencontre du public sherbrookois avec son film L’autre maison, suivi de Anaïs Barbeau-Lavallette (Inch’Allah) en mars et Louise Archambault (Gabrielle) en avril. Des rencontres mensuelles à ne pas manquer, offrant une rare opportunité d’avoir chez nous de tels noms du cinéma québécois. Mais surtout la chance de rencontrer des gens inspirants et inspirés qui insufflent leur passion tant aux spectateurs qu’aux créateurs.

Car on oublie souvent que le cinéma à Sherbrooke, ce n’est pas seulement ceux qui y assistent, c’est aussi ceux qui le font. À cet égard, le mouvement KINO, qui a connu son apogée entre 2004 et 2009, a montré à maintes reprises la vitalité et le dynamisme des talents d’ici. Un incubateur repris par la Course Estrie, devenue par la suite la Course des régions. Mais comment ne pas s’inquiéter de l’exode de nos créateurs vers les grandes villes, à la recherche de nouveaux horizons pour leur art?

C’est le mandat que s’est donné l’organisme Cinésis, fondé dans la région au printemps dernier, qui s’est associé avec le FCMS pour organiser un après-midi « Projection de courts-métrages de l’Estrie » dans le cadre du festival. Une occasion de mettre de l’avant les talents de chez nous et d’offrir une vitrine à nos créateurs et à leurs œuvres. Le festival y va même de l’avant en offrant le Prix Cercle d’or du meilleur court-métrage de la région estrienne, qui sera annoncé lors du gala de la soirée de clôture, le 13 avril prochain. Car Sherbrooke est une véritable pépinière de réalisateurs établis et de la relève. Et il nous tarde d’autant plus de les connaître davantage.

Le cinéma est définitivement au rendez-vous au centre-ville de Sherbrooke, il suffit tout simplement d’aller à sa rencontre. Au plaisir de s’y croiser au passage!