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« Well inc. » : le projet de l’heure au centro ?

PAR:
Philip Bastarache

Mardi soir dernier, le maire de Sherbrooke, M. Bernard Sévigny, a dévoilé les grandes lignes du projet « Well inc. », dans le cadre du traditionnel Souper du maire, organisé par la Chambre de Commerce de Sherbrooke. À première vue, il s’agit peut-être du projet de revitalisation urbaine le plus structurant de l’histoire moderne de la ville-reine des Cantons-de-l’Est.

Une longue traversée du désert

Depuis les 30 dernières années, les projets de revitalisation ont pourtant été nombreux au centre-ville. Des sommes colossales ont été investies pour faire lever le gâteau, mais les résultats étaient souvent en deçà des attentes. En 2012 un rapport commandé par Commerce Sherbrooke indiquait que ce succès en demi-teinte était attribuable à un « manque d’articulation avec une stratégie globale ». Autrement dit, on avançait à tâtons, au gré des opportunités, sans plan d’ensemble au point ou parfois, malgré les bonnes intentions, on reculait d’un pas après en avoir fait deux!

Depuis des années, nombreux ont été les acteurs qui se sont mobilisés pour le centre-ville. Chacun avait sa petite idée de ce que devait devenir le Centro. À une certaine époque, on parlait même de convaincre l’Université de Sherbrooke d’y déménager une faculté… en vain !

La différence

Aujourd’hui, en 2016, on ne peut rêver d’une meilleure conjoncture pour le centre-ville. On a qu’à penser à la concertation d’une multitude d’acteurs autour d’un projet commun avec le Plan directeur du centre-ville, ou à la reconstruction du pont des Grandes-Fourches pour s’en convaincre. « Well inc. » ne devient rien de moins que la cerise sur le sunday. Vingt organismes, dont l’Université de Sherbrooke, l’Université Bishop’s et le CIUSSS de l’Estrie se sont déjà engagés dans ce projet titanesque, en y planifiant le déploiement de quelques-unes de leurs activités. M. Sévigny ajoute que plusieurs entreprises privées seraient prêtes à emboîter le pas. À entendre l’affirmation de M. Peter Cassar, chef de la direction chez Sherweb, un fleuron entrepreneurial sherbrookois, on serait prêt à croire le maire sur parole ! « S’il y avait eu le quartier entrepreneurial [Well Inc.] au moment où nous nous sommes relocalisés il y a trois ans, je l’aurais certainement considéré », affirmait avec enthousiasme M. Cassar, dont les propos ont été rapportés par Radio-Canada.

Ce petit bout de rue décrépit aux allures de ghetto pourrait peut-être devenir un des espaces les plus animé en ville. Sauf erreur, jamais dans l’histoire de Sherbrooke a-t-on vu un projet de revitalisation rassemblant autant d’acteurs de milieux différents. Prenez nos institutions universitaires, nos entreprises d’économies sociales, nos professionnels du monde artistique, nos entrepreneurs locaux, la population locale et nos élu.es. du conseil municipal, saupoudrez le tout de petits commerces de proximité et d’une offre résidentielle diversifiée pour les besoins de tout un chacun et vous recréez ainsi la recette potentiellement miracle pour que lève le gâteau. Enfin !

Un milieu de vie pour les jeunes?

Manifestement, avec un projet comme celui-ci, la rue Wellington Sud pourrait donc devenir un milieu multifonctionnel effervescent et très prisé par une certaine tranche de la population. D’ailleurs, on apprenait récemment dans le journal La Presse que selon un vaste sondage mené en 2015 auprès de la population américaine, 46 % des millénaux (génération née entre 1980 et 1995) ont affirmé préférer vivre en ville. « C’est 10 points de plus que les X, 16 de plus que les baby-boomers ».

Comment expliquer cette différence avec leurs aînés ? Selon Cushman et Wakefield, courtier et consultant en immobiliers, les expériences compteraient désormais davantage que l’accumulation de biens en ce qui a trait aux habitudes de consommation des jeunes. Ainsi, « règle générale, les millénaux préfèrent vivre des expériences plutôt que d’accumuler des biens. Plus de 12 % du budget des Américains dépensé dans les commerces de détail aboutit dans les restos. Cela se compare à 9,7 % en moyenne, entre 1992 et 2010 ». Il va s’en dire que ce type d’expérience est nettement plus facile à trouver au Centro qu’ailleurs à Sherbrooke.

D’autres acteurs expliquent également ce phénomène par le côté à la fois hédoniste et social des jeunes. Stéphane Côté, de la firme Dev Mcgill, affirme d’ailleurs que les jeunes mènent « une vie très active, axée sur « s’occuper d’eux ». Ils vont voir des amis, sortent, vont courir. Ils ne sont pas souvent chez eux ». Anik Shooner, associée chez Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes, affirme quant à elle que « la vie de quartier manque aux gens. [et qu’il en résulterait] peut-être un retour à une vie en communauté ». Ici encore, le Centro se prête assez bien à cette définition.

Certains observateurs poussent également l’idée que cette tendance serait connue par un nombre croissant d’employeurs. En conséquence, un peu partout dans le monde, plusieurs choisissent de quitter la banlieue pour revenir en ville, afin de suivre la jeune génération qui entre sur le marché du travail.

Le gâteau lèvera-t-il ?

Est-ce que le projet « Well inc. » deviendra une nouvelle Mecque pour les entrepreneurs? Réussira-t-il à susciter l’engouement souhaité et à avoir un effet positif de percolation sur le Centro? Seul l’avenir nous le dira. Ce que M. Sévigny nous a présenté mardi relevait bien entendu de la vision. Il reste à connaitre quelle forme prendront ces projets, comment la communauté locale sera intégrée et nécessairement, il faudra voir à ce qu’un tel projet soit socialement accepté par le milieu. Une chose demeure néanmoins certaine : l’implication des 20 partenaires dans le projet amènera son lot de nouveaux travailleurs au Centro. D’une manière ou d’une autre, celui-ci consolidera son rôle de catalyseur au sein de l’agglomération sherbrookoise, ce ne peut être qu’une bonne chose !