Gastronomie

Un accord vin et musique pour un printemps polisson

PAR:
Caroline Fontaine

Il y a tout près d’un an, Raphael Rioux, Maxime Verpaelst et Charlie Abran Fréchette ouvraient le restaurant Vin Polisson au coin King et Cathédrale. En plus d’aller jaser avec lui sur la première année de vie de son resto, j’ai demandé à Raphael de nous concocter un petit accord vin et musique à partir des suggestions de Jean-François Ouimet, son voisin du Musique cité.

Photo : Caroline Fontaine

Le retour à la terre

S’il est un élément qui est au cœur du projet de restauration entrepris par le trio, c’est bien le vin, mais pas n’importe lequel : le vin nature. « L’engouement pour ce type de vin vient avec toute la vague de consommation locale et bio » explique Raphael Rioux. Un vin nature est d’abord un vin dont les vignes ont été cultivées de manière biologique et pour lequel le moins d’intrants est utilisé dans le processus de transformation. Il s’agit d’un retour aux méthodes anciennes pour la fabrication du vin, qui est teintée depuis les années 1980 par le travail des chimistes. Et pour accompagner ces vins nature, le restaurant propose une cuisine du marché qui varie au fil des arrivages. On devrait voir poindre au menu des prochains jours le crabe à carapace molle, car on se trouve en plein dans la saison.

Pour s’allier à ce retour à la terre et aux méthodes traditionnelles, pourquoi ne pas se trouver face à un grand maître de la trame musicale, Ennio Morricone, mais dans un contexte ici bien expérimental avec The Excorcist II The Heretic. « Avec cela, ajoute Raphael, on boit la cuvée Semplicimente Blanco de Stefano Bellotti, parce que le côté avant-gardiste italien passe à travers les âges. »

Photo : Caroline Fontaine

Pour le plaisir de l’apéro

Avec la récente annonce du passage de la région en zone rouge, nous sommes attristés de voir les salles à manger fermer une fois de plus. Une excellente manière de s’assurer que nos restaurateurs passent à travers cette tempête est de commander leur nourriture pour emporter.

Pour accompagner les paniers d’apéro du Vin Polisson, rien de mieux qu’un album pop tout frais sorti des bacs, Phoenix de Charlotte Cardin. « Et, parce que c’est une artiste qui joue souvent au resto, on boit la cuvée «Osti que je t’aime» de Porta Bohemica, cuvée bicolore sur du Pinot noir et du Muller-Thurgau. C’est le vin d’apéro par excellence! »

Quand je demande au restaurateur comment on fait pour passer au travers, pour se « réinventer », il me répond rapidement qu’ils n’ont heureusement pas eu à se redéfinir, leur service de caviste est simplement arrivé plus tôt que prévu. Leur modèle d’affaires leur a d’ailleurs permis, en quelque sorte, de se replier pour affronter les bourrasques.

Photo : Vin Polisson

Un pied de nez aux découragements

Une grande fierté qui émane des propriétaires est effectivement celle d’être restés fidèles à leur idée de départ. Le menu en format take out n’est pas changé de ce qu’on retrouve en salle, il n’y a pas de forfait promo, « les gens viennent pour ce qu’on est et c’est très satisfaisant comme sentiment », affirment-ils.

Avec ça, « on boit donc la cuvée Cause Toujours de Jean-Philippe Vanstals, vigneron belge qui sait nous surprendre avec ses vins. Cause toujours tient son nom d’un beau pied de nez fait à toutes les personnes ayant découragé Jean-Philippe Vanstals au moment où il a lancé sa culture de Syrah». Et dans les oreilles, une belle découverte que je fais sur le tard d’Hooverphonic, groupe de trip-hop belge, avec l’album Live Koningin.

Photo : Caroline Fontaine

L’effervescence des rencontres

Un autre élément au cœur du projet qu’est le Vin Polisson, ce sont les gens, la clientèle avec qui Raphael Rioux et ses collègues aiment échanger. Les gens sont de plus en plus curieux de connaître la provenance de ce qui se trouve dans leur assiette, et leur coupe. C’est toujours un grand plaisir pour l’équipe d’accompagner la clientèle dans cette découverte des vins nature, autour desquels une démocratisation de la consommation semble s’opérer.

Avec cette grande proximité que permet le chaleureux, mais petit, resto, surviennent quelques défis. Depuis la réouverture, il était parfois difficile de trouver l’équilibre entre la sécurité des clients et le fait de leur laisser un espace pour vivre leur expérience de sortie au restaurant. Même si le respect des consignes demeure la priorité, il faut réussir aussi à offrir aux gens sur place une expérience chaleureuse et agréable.

Pour souligner toute l’effervescence des petites sorties qu’on se permet et de celles auxquelles on continue de rêver, on écoute Giant Steps. Pour accompagner le jazz de John Coltrane, « on boit la cuvée Canonique du Domaine Bergeville pour que la bulle suive la contrebasse. Ce Pétillant Naturel est fin et festif. Le jazz a toujours eu un côté effervescent dans mon cœur. » 

Champagne!

On termine ici, tout en légèreté, sans se prendre au sérieux avec Shake It Up, album pop des années 1980 de The Cars auquel Raphael a associé un champagne, « parce qu’il faut parfois y aller en contraste pour apprécier. » Après tout, être polisson, c’est oser être espiègle.

Photo : Vin Polisson