Tourisme Urbain

Philip Bastarache, l’aventurier de la gorge perdue

PAR:
Philip Bastarache

Si vous me trouvez prétentieux d’oser mettre mon nom dans un titre rappelant le premier classique du duo de réalisateurs Lucas/Speilberg, vous n’avez probablement pas tort. Comme je l’ai déjà dit, il y a toujours un peu d’exagération dans mes histoires. Mais ne jetez pas dès lors du revers de la main ce que vous allez lire.

Je vous dévoile aujourd’hui un lieu du centre-ville de Sherbrooke délibérément perdu, ignoré d’à peu près tout le monde, mais ô combien unique. Si vous vous pensez vraiment cool parce que vous avez découvert tout récemment les derniers aménagements de Destination Sherbrooke dans la gorge de la rivière Magog, à savoir le sentier sur pilotis situé entre le lac des nations et la centrale Abénaquis, descendez de votre piédestal, car il y en a plus à voir!

Arrivé au barrage Abénaquis, continuez sur le sentier de terre peu invitant qui se présente à vous. Gravissez les escaliers dont la première marche semble avoir été conçue pour un géant. Vous aboutirez finalement au belvédère Koatek, où s’offrira à vous une splendide vue en surplomb de la gorge et de la centrale Abénaquis. C’est là que l’aventure commence.

Derrière vous, en direction de l’embouchure de la Magog, vous pourrez observer en contrebas les restes d’un sentier sur pilotis dont l’entrée est condamnée. Selon M. Yvan Beloin, coordonnateur aux aménagements du réseau cyclable, ce tronçon de sentier a été construit par la défunte corporation CHARMES il y a plus de 15 ans. Après que se soient succédé moult saisons et générations de vandales, le sentier a été jugé non sécuritaire et Destination Sherbrooke a procédé à sa fermeture définitive l’an passé. Ils ont d’ailleurs enlevé la première volée d’escaliers y donnant accès, afin de dissuader le public de s’y aventurer. Cette année déjà, on peut à peine y apercevoir les derniers vestiges tant la végétation a poussée!

Une fois que vous aurez enjambé – ou escaladé, c’est selon – le garde-corps condamnant le sentier, vous serez surpris par la profondeur à laquelle vous mène ce dernier et vous vous montrerez probablement curieux de voir ce qui se trouve en bas. Mais gare aux planches pourries ou simplement manquantes qui constituent le chemin!
À votre arrivée, environ une vingtaine de mètres plus bas, s’offrira à vous le spectacle étonnant d’une vision postapocalyptique digne d’un décor de « The walking dead », avec la rivière sauvage, la forte densité du couvert végétal et pour couronner le tout, la façade arrière des résidences Soleil, à flanc de falaise, dont la volumétrie impressionne.

Sur le sentier, beaucoup de garde-corps sont manquants, le sol a fait travailler le sentier de bois et on y trouve ici et là les traces d’incendies provoqués par les feux de camp de quelques individus téméraires. Il en coûterait dans les alentours de 300 000 $ pour réhabiliter le tout selon M. Beloin. D’un autre côté, démolir entièrement la structure reviendrait à la moitié de la somme d’une reconstruction. On préfère donc laisser l’endroit tel quel, à la merci des vandales, mais au bon plaisir des rares badauds qui en connaissent son existence.

Un peu plus loin, la rivière devient plus calme et s’avère le terrain de jeu de prédilection d’une faune locale en manque de sensations fortes dont j’ai fait la rencontre cette après-midi là.

«Splouch»’; une masse d’environ 50 kilos constituée de chair et d’os vient d’amerrir. C’est un jeune garçon d’une douzaine d’années environ. Il a fait un saut impressionnant d’une hauteur d’au moins cinq mètres. « Vous n’avez pas peur de vous tuer en atterrissant sur un haut fond leur demandais-je?» «La profondeur est d’au moins huit pieds me certifie-t-on!» J’en profite pour prendre une photo du jeune répétant son exploit, en promettant que sa pauvre mère ne le reconnaîtra pas sur l’image. Il y a un ange gardien pour les enfants et les fous me disait ma vénérable tante Lucette, à l’époque où je faisais moi-même ce genre de connerie. Espérons que ce soit vrai!

Voilà donc un échantillon des merveilleuses beautés et scènes inusitées que vous trouverez dans ce tronçon plutôt particulier de la gorge de la rivière Magog.

Arrivé au bout, vous constaterez des cubes de béton coulés dans le sol bien accrochés au flanc escarpé de la colline. Une de mes sources chez Destination Sherbrooke me disait qu’ils étaient jadis destinés à accueillir un escalier. Celui-ci aurait mené jusqu’à la prison Winter juste en haut, présentement en décrépitude. Le projet à été abandonné. On se doute que la ville n’ait pas voulu accorder le budget nécessaire à sa réalisation. Plutôt dommage n’est-ce pas? À l’heure où Coaticook cartonne avec sa nouvelle attraction « Foresta Lumina », Sherbrooke devrait elle aussi miser davantage sur son patrimoine naturel et planifier le développement de cette section de la gorge qui est, à mon avis, la plus belle et une des plus spectaculaires. Sherbrooke doit se donner les moyens de ses ambitions.

Voici mon parcours en images :

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