Tourisme Urbain

Un mille à pied… ou comment redécouvrir le centre-ville (même en hiver)

PAR:
Marie-Anne O'Reilly

Photo : un petit recoin bien caché derrière la Place Nikitotek. Tranquillité garantie!

L’homme qui marche, c’est le titre d’une bande dessinée de l’auteur japonais Jiro Taniguchi qui raconte les déambulations de son personnage à travers les différents quartiers de Tokyo. À pied, il va sans dire. Vous serez peut-être d’accord avec moi (ou non, c’est à voir), j’ai toujours trouvé que la meilleure façon de découvrir un nouveau lieu était de le parcourir en marchant. Mais on pense rarement à explorer sa propre ville en prenant le temps d’observer les petites choses de tous les jours auxquelles on prête rarement attention.

À première vue, il est vrai que l’étalement de Sherbrooke ne fait pas de la marche le meilleur moyen pour se déplacer, encore moins pour découvrir la ville. Ce qui peut effectivement être le cas si vous décidez de vous promener sur le boulevard Bourque… Je vous invite toutefois à faire l’exercice de (re)découvrir votre centre-ville à pied. Oui, oui, même en plein hiver! Car c’est justement en faisant les choses différemment que l’on jette un regard neuf au décor familier qui nous entoure. Et s’il y a une façon de ne pas geler tout rond en cette période de neige, c’est bien en s’activant un peu dès qu’on met le nez à l’extérieur. C’est aussi une très bonne façon de rendre plus supportable l’attente interminable qui nous sépare encore de l’arrivée du printemps. Sceptique? Il n’y a qu’à essayer pour voir…

Se perdre dans les détours

Il y a deux sortes de marche : la marche utilitaire, celle qui nous permet de nous rendre d’un point A à un point B, en évitant de prendre la voiture (et on se félicite au passage pour notre bilan carboneutre), puis il y a la marche de plaisance, celle qui n’a d’autre but que l’activité en elle-même, où l’on se laisse guider par sa curiosité et où tous les détours sont permis pour se perdre et se retrouver. Mais ce qu’il y a de fantastique avec le centre-ville de Sherbrooke, c’est qu’on peut facilement y faire les deux. Dans le premier cas, faire ses courses ou aller au cinéma en marchant (bonus deux activités en une : le sport et la détente, et la conscience tranquille pour manger du maïs soufflé, car on sait qu’on va dépenser les calories en trop).

Si cela a son charme, je préfère de mon côté la deuxième option : partir sans destination précise, pour le simple plaisir d’arpenter les rues, connues ou encore inconnues. C’est ainsi que je suis un jour tombée, complètement par hasard, sur le magnifique édifice de la prison Winter, témoin du patrimoine historique et architectural de la ville. Puis il y a eu ce petit coin de détente au bord de la rivière Magog, déniché en descendant la rue des Abénaquis. Bien sûr, comme l’on parle d’hiver, il y a aussi tous les petits recoins insensés où l’on peut s’abriter deux minutes, le temps de se cacher d’une bourrasque de vent, avant de se remettre en route. Et il y a encore tous ces autres lieux secrets, qui n’attendent qu’à être découverts.

Le mieux toutefois, c’est probablement que le centre-ville a l’avantage d’en offrir pour tous les types de marcheurs. Côté nature avec la promenade de la rivière Magog, grandes artères achalandées pour les urbains branchés, ou petites rues tranquilles et résidentielles pour un bon compromis entre les deux. Et pourquoi pas les trois à la fois? Car naturellement, les combinaisons sont infinies. Il ne reste maintenant qu’à décider votre itinéraire personnalisé.

Les petits plus…

Ici, j’entre en scène une autre bande dessinée de Jiro Taniguchi, aussi excellente que la précédente, Le gourmet solitaire. (Je vous invite d’ailleurs à profiter de l’une vos promenades pour aller bouquiner à la bibliothèque municipale et attraper au passage ces deux titres à découvrir absolument.) Ce deuxième personnage, vous l’aurez deviné, découvrait pour sa part la ville à travers ses restaurants. Car l’autre avantage de marcher au centre-ville, c’est aussi évidemment le plaisir de s’arrêter et de savourer en chemin une boisson chaude, le temps d’une pause pour se réchauffer.

Car flâner fait partie des plaisirs de la marche. S’il est beaucoup moins aisé en période hivernale de s’installer sur un banc pour rêvasser, les arrêts ne manquent toutefois pas au centre-ville pour jalonner une balade. C’est d’ailleurs ce qui différencie la promenade urbaine de la marche au fond des bois, cette possibilité toujours présente de transformer sa sortie au grand air en escapade gastronomique ou en virée de magasinage. À ce titre, Sherbrooke est certainement l’un des seuls endroits où l’on peut arriver à jumeler lèche-vitrine et promenade au bord de l’eau…

Ainsi, les gourmands (dont je fais partie) auront le plus grand embarras du choix pour satisfaire leur fringale en cours de route. C’est bien connu, jouer dehors ouvre l’appétit. Et après avoir fait tant d’exercice, on a bien droit à un petit remontant. Du classique café au lait à la Brûlerie de Sherbrooke, au thé raffiné chez Miss Tea, en passant par les gâteries chez Choco-là, la poutine du Snack, les restaurants haut de gamme (s’asseoir pour un bon repas chez Auguste est encore plus gratifiant lorsqu’on a les joues roses, de froid comme de plaisir), ou encore une bière dans l’une ou l’autre des micro-brasseries. Pour les nostalgiques de l’été, un petit arrêt au Classyco Café vous transportera dans la chaleur des Îles Maurice, le temps d’une petite escapade exotique. Bref, il y en a véritablement pour tous les goûts. Et cela donne juste assez de courage pour affronter par la suite le chemin du retour.

On en profitera pour contempler au passage les paysages dignes de cartes postales (merci aux nombreuses côtes de Sherbrooke), pour le simple bonheur de prendre une grande bouffée d’air frais et de se délecter les yeux, même un court instant, des charmes de la ville. (Avis : ça permet également de digérer, c’est très pratique…)

Les petits moins…

Avez-vous déjà essayé de traverser la rue King à l’intersection devant le terminus d’autobus? Si vous êtes patients, il vous faudra attendre trois lumières, pour qu’enfin apparaisse le petit bonhomme qui annonce la priorité aux piétons. Si bien sûr vous vous rendez jusque-là. Car vous imaginez bien qu’après le premier changement de feux de circulation où vous restez bredouille, vous trépignez d’impatience et vous finissez par passer n’importe quand, en zigzaguant entre les voitures. Bref, tout ce qu’il y a de plus dangereux. Car il faut bien l’admettre, Sherbrooke n’est pas toujours bien amicale envers ses piétons. Et la situation est récurrente, peu importe les grandes artères où l’on décide de traverser. Si les automobilistes sont en général assez courtois sur la rue Wellington Nord en cédant régulièrement le passage aux piétons, force est de reconnaître qu’il s’agit de l’exception et non de la règle… Ainsi, à moins d’emprunter les espaces nature aménagés à cet effet, ou les petites rues peu fréquentées (idéales si l’on aime admirer l’architecture victorienne), les amoureux de la jungle urbaine n’auront eux qu’à prendre leur mal en patience pour affronter le trafic et les toujours très longues signalisations pour piétons. Remarquez, le phénomène est loin d’être exclusif au centre-ville et il y est certainement beaucoup moins pire qu’ailleurs. D’ailleurs, c’est une raison de plus pour adopter cette bonne habitude de circuler à pied, car plus les usagers seront nombreux, meilleures seront les conditions.

Allez hop! Il est temps d’enfiler vos bottes!

P.-S. Les amateurs de sport extrême seront également très bien servis les jours de verglas avec des trottoirs bien glacés (crampons exigés) ou encore lorsque le mercure atteint les -30 ° Celsius (surtout, attachez bien votre tuque et votre foulard). Sensations fortes assurées. Pour personnes expérimentées seulement! Mais de grâce, trêve de sarcasme, n’attendez pas le printemps pour vous aventurer dehors. La marmotte est encore loin pour nous annoncer le printemps…

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