Visages du Centro

Jonathan Gaudreault, le brasseur engagé

PAR:
Marie-Cristine Pachès

Ils sont impliqués et ne cherchent pas à être le centre de l’attention. Ils souhaitent créer du beau et du bon pour que nous puissions profiter d’un milieu de vie dynamique et vivant. Ce sont ces visages que nous croisons tous les jours au cœur du centre-ville. Chaque mois, grâce à notre chroniqueuse, vous aurez la chance de découvrir les visages du Centro. Ces personnes qui croient au développement du centre-ville et qui y contribuent à grands coups de passion et d’amour!

Bien connu de toute personne habitant Sherbrooke, le Siboire est sans contredit l’un des fleurons de la région. Ouverte en novembre 2007 dans l’ancienne gare du centre-ville, la microbrasserie a, depuis lors, fait l’objet d’une belle couverture médiatique. Reste-t-il encore des choses à dire sur l’endroit et ses dirigeants? Je crois que oui! C’est pourquoi, dès que le projet des Visages du Centro a été remis sur les rails, j’ai dit à Jonathan Gaudreault qu’il ferait un candidat parfait pour l’un de ces portraits: quelqu’un qu’on reconnait sans toutefois vraiment connaitre, quelqu’un qui est davantage dans l’ombre… Il avait semblé amusé que je le perçoive ainsi, mais, bon joueur, avait accepté sur-le-champ de se soumettre à mes questions: «Tu m’écriras quand tu seras prête!»

Rendez-vous dans l’antre de la bière

L’échantillon de début de printemps m’ayant amenée à penser qu’il était temps d’aller à la rencontre de celui qui possède l’une des plus belles terrasses de la ville, j’étais prête! J’ai donc envoyé un petit courriel à D’Jo. Il m’a donné rendez-vous avant que la place soit prise d’assaut par la clientèle du midi, par un petit mercredi gris où le soleil avait décidé de ne pas être de la partie. Tout en m’approchant de la pittoresque bâtisse, je constate que je suis encore envahie de la petite bouffée de fierté presque chauvine que je ressens chaque fois que je viens ici. Je le trouve beau notre Siboire! …et il l’est encore plus depuis les dernières grandes transformations!

Une partie de l’équipe de production du Siboire
Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Je pousse la porte de la boutique en humant avec bonheur l’odeur qui caractérise si bien les brasseries: un mélange de drêches, ces résidus de céréales mouillées qui ont servi au brassage, combinées aux arômes des houblons plus volatiles et variés; tantôt résineux, tantôt floraux ou encore fruités. Même à 10h du matin, pour moi, ça sent le bonheur! Pendant que Fred commence à prendre quelques clichés, j’attends Jonathan en repérant les nouveautés à l’ardoise. J’ai un gros petit faible pour le monde de la bière… Mais ça, vous le saviez déjà hein?!

De nouveaux partenariats inspirants

Tout souriant, il arrive à la course en s’excusant! La vie va vite pour lui ces temps-ci. Hier, c’était le lancement de la boutique Qui roule. Un nouveau projet, un autre bébé pour les hommes d’affaires qui ont toujours été des passionnés de vélo. Sur le nouveau site Internet de la boutique, on peut lire «Parce qu’une ville qui roule est une ville en santé!» Pas étonnant que les deux amis soient derrière un projet de ce genre! Après tout, le cyclisme et le Siboire vont de pair depuis les débuts de l’entreprise. L’été passé, on a aussi appris que le duo reprenait le flambeau de la boutique Le Coureur avec l’un des copropriétaires initiaux ainsi qu’un employé de l’endroit. En entrevue, Pierre-Olivier et Jonathan parlaient d’un partenariat «qui allait de soi»… un autre!

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

L’Université de Sherbrooke a aussi annoncé que le Siboire avait offert un investissement substantiel pour son projet d’usine-école destinée aux étudiants qui s’intéressent au brassage de la bière, du cidre et du kombucha et, éventuellement, à la production de spiritueux. Un autre projet auquel ils avaient à cœur de contribuer. Après tout, c’est au sein de SherBroue, ce regroupement brassicole d’étudiants, que Jonathan a lui-même appris les rudiments du métier au début des années 2000. Ils vont donc poursuivre de façon plus officielle ce qu’ils faisaient de façon officieuse depuis des années: s’impliquer auprès des étudiants passionnés, guider, partager et redonner à la communauté qui les a accueillis…

Savoir faire les bons choix

Jonathan pourrait bien être blasé et se contenter de surfer sur ses succès. Car, quinze ans après sa création, le Siboire est maintenant bien établi. En effet, les changements aux installations de la succursale du Dépôt combinés aux aléas imposés par la pandémie ont mené les cadres de l’entreprise à élargir leur réseau de distribution des bières en canettes. On boit maintenant du Siboire un peu partout au Québec! La succursale de Montréal va bien elle aussi et a su attirer l’attention des amateurs, malgré la forte concurrence du marché. «C’était tellement une belle idée de livrer des canettes à vélo dans les parcs de la ville l’été passé… Ça a fait jaser!», lui dis-je, amusée.

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Pourtant, malgré cette belle réussite, on sent que l’entrepreneur cherche encore à se surpasser! Il a toujours à cœur de faire les choses différemment et de promouvoir des habitudes de vie plus saines. «Je garde mon côté docteur! Après tout, j’ai voulu faire médecine pour aider le monde, alors j’ai encore ça en moi», me confie-t-il. «Si je peux juste te demander quelque chose Marie… Ne fais pas un énième article sur le gars qui a lâché la médecine pour brasser de la bière, ok? Tout le monde l’a entendue cette histoire-là!», ajoute-t-il. Effectivement, je crois que, même si l’anecdote a longtemps fait sourire, il est clair à présent que Jonathan est bel et bien sur son «X». «Il me semble qu’on commence enfin à arrêter de me demander si je ne vais pas retourner finir mes études!», ajoute-t-il en riant.

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Des expérimentations… et bin du houblon!

Il me raconte qu’au début, ses amis pensaient que sa job consistait à passer ses samedis soirs au bar, à surveiller les clients jusqu’à 3h du matin! C’est que, les gens ne comprennent pas toujours le métier de maître brasseur; au-delà de la création des recettes. Mais le monde de la bière a connu une importante révolution et, depuis, les styles et les expérimentations se multiplient. D’Jo m’explique comment il navigue à travers tout ça en faisant des choix. Car, oui, il y a les tendances, mais il y a aussi les valeurs et l’ADN de l’entreprise qu’il faut savoir respecter. Il doit donc établir des lignes directrices en adéquation avec la philosophie de brassage et… Bien sûr, il faut aussi s’amuser!

Tout au long de notre échange, c’est d’ailleurs un thème qui revient régulièrement. «Il faut réussir à avoir du plaisir, malgré la folie…» J’imagine que ça doit être plutôt plaisant de travailler au Siboire, car le brasseur peut compter sur une équipe fidèle dont certains membres sont à ses côtés depuis plus de dix ans.

On glisse un peu sur le sujet des IPA Test, ces expérimentations pour parvenir à la parfaite New England India Pale Ale et pour lesquelles son côté scientifique s’amuse beaucoup: «On joue avec les houblons, oui, mais aussi avec les levures, l’eau et bien des petits détails qui permettent d’étudier plusieurs paramètres.» Je le questionne afin de savoir à quand remonte la dernière fois où il a vraiment tripé et il me parle du voyage qu’il a fait avec ses directeurs pour aller sélectionner les houblons de la prochaine année dans les vallées de Yakima en Orégon. «Va voir les vidéos que Joannie a faites sur notre chaîne YouTube, tu vas capoter!», me suggère-t-il. En effet, ça vaut le coup d’œil!

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Avec ou sans alcool?

Ensuite, on enchaine sur les dernières bières sans alcool que la micro a lancées. «Les gens vont toujours avoir besoin de socialiser. On l’a vu chaque fois qu’il y a eu une réouverture. Les clients sont au rendez-vous et nos pubs se remplissent… C’est d’ailleurs une des choses qui m’a le plus fait plaisir pendant la pandémie! Moi, j’aime avoir du fun, j’aime être bien entouré, mais j’aime aussi pouvoir boire quelque chose de bon, sans que le pourcentage d’alcool m’assomme!», partage-t-il. Je ne serais donc pas surprise de voir apparaitre d’autres itération de la microbrasserie qui seront plus légères en alcool.

Encore une fois, on sent qu’il y a derrière tout ça un désir pour que les gens s’amusent tout en prenant soin de leur santé. Il me confie même qu’il ne boit généralement pas du dimanche au mercredi… Comme quoi, il y a plein de vieux stéréotypes qui ne s’appliquent plus au monde brassicole d’aujourd’hui!

Photo : Frédéric Gosselin instagram.com/fuseau.solaire

Un avenir plein de soleil!

«Tu sais, j’ai deux enfants de 5 et 7 ans et j’aimerais qu’ils puissent se dire un jour que leur papa a fait de quoi de bon pour Sherbrooke…» Quand je regarde à quel point lui et son partner des vingt-cinq dernières années répondent toujours présents et s’illustrent en tant qu’acteurs de changement et leaders positifs, je ne suis pas trop inquiète que ce sera le cas!

En attendant, je me promets bien de revenir sur la terrasse du Siboire lorsque le soleil sera de retour… Question de profiter de cet oasis au cœur du centro, de goûter ce que l’inspiration de D’Jo lui aura permis de concocter et, pourquoi pas, de refaire le monde à coup de petites gorgées pas trop alcoolisées!

Pssst! La bière vous intéresse? Saviez-vous que vous pouviez faire une visite officielle de l’usine Siboire? Infos et réservations:https://siboire.ca/fr/visites/

Siboire Dépôt

80, rue du Dépôt